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Olivier Ghis, le journal du hard

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EntretienJournaliste, réalisateur et grand maître de l’incontournable « Journal du hard » sur Canal Plus, Olivier Ghis dresse un bilan du marché pornographique. Le X hexagonal parviendra t-il un jour à sortir du ghetto dans lequel il végète ? Rien n’est moins sûr !


 » Nos sociétés n’ont pas inventé grand-chose en matière de sexualité »

Quelle évolution ou régression as-tu constaté dans le X depuis que tu diriges le JDH ?

L’évolution majeure, c’est la chute vertigineuse du DVD (-30 % par an en moyenne depuis 4 ans) et la migration du public vers Internet. Soit pour consommer gratuit les « tubes » (YouPorn, etc.), soit pour s’abonner à des sites payants comme BangBrothers, Kink, NaughtyAmerica ou Gamelinks… Conséquences, les goûts et les tendances sont plus difficiles à appréhender.

La surenchère que l’on constate dans le porno est-elle le reflet de l’évolution des mœurs ou est-ce la sexualité qui se calque sur le porno ?

Je ne suis pas sûr que le X aujourd’hui soit dans une quelconque surenchère ! Nos sociétés, quoiqu’elles en pensent, n’ont pas inventé grand-chose en matière de sexualité. Il suffit, pour s’en convaincre de relire le Kama-sutra, écrit au IVe siècle, ou de revoir les premières bobines du X, tournées dès l’invention du cinéma, fin XIXe. Tout y est ! Seule la visibilité, à l’heure du net, est plus forte. Et encore, ce constat ne s’applique-t-il qu’aux sociétés « occidentalisées ». En effet, dans nombre de pays, le X est tout simplement proscrit (Chine, sphère arabo-musulmane, etc.). Alors, évidemment, on constate depuis 30 ans en Europe et aux États-Unis principalement, une plus grande ouverture d’esprit sur le sujet que jadis. Ce n’est plus une question taboue. Le sexe est sorti des alcôves pour s’exposer en place publique. Mais ça ne veut surtout pas dire que les pratiques, dans l’intime, ont fondamentalement changé.

Ne penses-tu pas que le porno devrait avoir, auprès de la jeune génération, un rôle éducatif et donc ne pas hésiter à se censurer de temps à autre ?

Ça existe déjà : Ovidie fait un travail en ce sens à longueur de films et à présent sur FrenchLoverTV. Jack Tyler, John B. Root ou même Katsuni creusent ce sillon. L’imposer à tous serait vain. Et imposer l’autocensure à une nébuleuse aussi vaste aujourd’hui semble impossible. Le net et ses multiples niches – fortes poitrines, black, interracial, homo, bi, femmes mûres, etc. – favorise l’expression de tous les fantasmes. Pour le meilleur et… Pour le pire. Le législateur peut juste faire appliquer les interdits les plus forts (pédophilie, etc.). Pour le reste, c’est le marché qui décide. L’avantage de cette situation, c’est qu’elle nous livre une cartographie exacte de ce que nos contemporains ont en tête. C’est le mérite de la vérité. Après, l’inconvénient, comme toujours avec la vérité… C’est qu’elle fait parfois peur !

Comment expliquer que le porno en France reste dans un ghetto alors qu’Outre-Atlantique, il bénéficie de moyens financiers énormes ?

Le porno, en France, est souvent un « way of life ». On s’y consacre parce qu’on est déjà libertin, échangiste, hédoniste… C’est la suite naturelle d’une pratique privée. D’où l’amateurisme ambiant, le côté débonnaire et bonne franquette. Les professionnels sont rares, ceux qui ont une vision industrielle – ou disons, entrepreneuriale – de la chose. Aux États-Unis, dans un environnement pourtant plus puritain, c’est le contraire. Le X peut générer des profits. C’est un business, donc pris très au sérieux. D’où les investissements massifs et le professionnalisme du secteur là-bas. Résultat, les Américains produisent 80 % du X mondial. Cela dit, on trouve aussi dans la Porn Valley, l’épicentre du X (à quelques encablures de L.A.), des réalisateurs à la petite semaine et des actrices de passages, qui voient seulement dans le porno un moyen de rembourser leur 4×4 à crédit, de payer leurs études ou d’acheter leur dose de coke !

Le préservatif n’est toujours pas obligatoire dans toutes les productions. Comment l’expliquer ?

Parce que le X reste un spectacle. Un spectacle pour adultes, certes, mais un divertissement tout de même. Le spectateur est donc censé faire la part des choses. Si l’on appliquait le même raisonnement au cinéma d’action traditionnel, Indiana Jones devrait sauter des trains à l’arrêt et non en marche, Superman devrait prévenir les enfants que voler n’est pas possible… C’est absurde ! D’ailleurs, les producteurs sont pour la plupart assez responsables et encouragent tout un chacun à recourir au préservatif dans la « vraie » vie. Le cinéma, fût-t-il pornographique, est comme tous les arts, il n’a pas vocation à donner l’exemple. Il distrait, il éclaire, il émerveille… La pédagogie, c’est l’affaire de l’école ou du Ministère de la Santé. Chacun son rôle.

Le fait que certains réalisateurs du cinéma traditionnel s’intéressent au X peut-il faire évoluer le porno ?

Gaspard Noé, comme Jean-Marc Barr ou Tonie Marshall ont signé des films, souvent avec le soutien actif de Canal +, qui mettent clairement le sexe – explicite – au centre du récit. Mais tous butent encore sur la censure et le classement X. Être interdit -18 ans oblitère forcément la carrière d’un film en salles, donc son nombre de spectateurs potentiels. Et comme le cinéma reste un art cher et incertain, peu de producteurs prennent le risque… Le ghetto a hélas encore de beaux jours devant lui.


Jean-Éric Ougier, pyrotechnicien

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