Musique

Anthony Pecqueux, le rap vu par un sociologue

0
Please log in or register to do it.

EntretienLe rap est incontestablement un merveilleux témoignage du ressenti d’une jeunesse des banlieues qui s’est approprié un style musical venu des États-Unis et qui lui ressemble, qui lui parle et la met face à ses problèmes comme à ses rêves. Sur les premières pierres de l’édifice posées par NTM et IAM, les « petits frères » des cités sont venus peu à peu livrer leur « flow », élevant les murs d’un genre musical devenu aujourd’hui incontournable. Mais les cris de rage ou d’allégresse des années 1990 ont-ils laissé la place à l’argent facile et au « bling bling » ? Rien n’est moins sûr ! Pour s’en convaincre, Anthony Pecqueux, sociologue au CNRS (Laboratoire Ambiances Architecturales et Urbaines), auteur de nombreux articles sur le rap français, et de deux livres : Voix du rap, essai de sociologie de l’action musicale (L’Harmattan, 2007), et Le rap (Cavalier bleu, 2009) nous livre son point de vue.


« Le malaise des banlieues n’a effectivement fait que croître, et il ne semble pas qu’on aille actuellement vers du mieux ; le rap en dresse de nombreux constats désabusés, c’est pourquoi il reste urgent de l’écouter de temps en temps. »

Si l’on excepte « Rapper’s delight » de Sugarhill Gang, le rap est-il, dès son émergence, le son d’un mouvement social contestataire ?

Je pense que la meilleure façon de comprendre la naissance du rap à New York est de retourner la question : si l’on excepte « The Message » de Grandmaster Flash and the Furious Five [l’autre tube des débuts du rap sous forme discographique, en 1982, alors que « Rapper’s delight » date de 1979, ndlr], le rap est à l’origine le son d’un mouvement festif, celui des fêtes de quartier du South Bronx [les Block parties, ndlr]. Les DJ en sont les principaux animateurs dans les années 1970. Ce n’est que petit à petit que des personnes se sont emparées d’un micro pour accompagner les disques de paroles plus ou moins sensées, et essentiellement tournées vers la fête, le plaisir d’être ensemble et d’écouter de la musique. Bref, on ne peut pas comprendre aujourd’hui le rap si l’on n’en retient qu’une facette qui s’est finalement révélée assez tardive ; il faut toujours prendre en compte au moins ces deux aspects ensemble, le côté « social » (voire politique parfois) et le côté « festif ».

En France, c’est par le biais de l’émission de Dee Nasty et Lionel D, Deenastyle, que le rap a fait son entrée sur les ondes. Pouvez-vous nous parler de cette émergence rapide d’un mouvement qui répond à une attente de la jeunesse du début des années 1990 ?

Avec Deenastyle, émission diffusée sur Radio Nova en 1988 et 1989, il s’agit plutôt d’une période- charnière entre des années 1980, marquées par une certaine clandestinité du rap, et les années 1990 à venir, où il va exploser tous azimuts. Pendant toutes ces années 1980, au sein de la culture hip-hop hexagonale, le rap est très marginal, tandis que la danse et le graffiti connaissent un fort engouement. Ce n’est donc finalement que lentement que le rap a « pris », par l’intermédiaire de jeunes gens qui ont commencé par s’exercer aux techniques de flow [débit vocal, ndlr] de leurs collègues américains en reprenant leurs chansons, puis en les traduisant en français, enfin seulement [essentiellement à la fin des années 1980, ndlr] en se disant qu’ils pouvaient, eux aussi, essayer de composer des raps, et en français.

Avec la première compilation de rap français (Rapattitude) et surtout, l’arrivée sur le petit écran d’une émission phare consacrées à cette nouvelle musique (H.I.P H.O.P), la musique de la rue commence à intéresser les maisons de disques qui y voient là un filon juteux. Cette reconnaissance a-t-elle, a posteriori, eu un bénéfice énorme pour le rap ou est-ce la raison qui l’a peu à peu éloigné de ses origines ?

Il est impossible de trancher, c’est toute l’ambiguïté des cultures populaires imbriquées dans l’industrie culturelle : elles aspirent à une professionnalisation à la fois légitime et nécessaire pour le développement de la pratique ; et en même temps, elles sont accusées alors de perdre ou vendre leur âme. C’est aussi toute l’ambiguïté des industries culturelles : elles sont capables de promouvoir (et de faire d’importants bénéfices parfois avec) des artistes qui remettent plus ou moins radicalement en cause leur existence et celle du « système » en général. Le rap aurait-il pu devenir ce vaste mouvement protéiforme écouté dans le monde entier sans la collaboration des majors du disque ? À côté de cela, prolongeant la philosophie « Do It Yourself » issue du mouvement punk, de nombreux artistes se sont développés en indépendants. Internet permet également désormais de nouvelles formes de médiatisation, dont les artistes se saisissent pour se faire connaître et se développer. Bref, il existe, à l’heure actuelle pour eux, une pluralité de formes de reconnaissance, ce qui n’était pas forcément le cas, il y a vingt ans. Cette pluralité est une bonne nouvelle.

Ce rap qui se voulait un message de quasi lutte des classes ne s’est-il pas laissé prendre à son propre jeu en se détournant lui-même de ses racines, proposant des clips où les grosses voitures, l’argent facile et les pin up étaient au rendez-vous ?

Comme j’ai essayé de le dire avec « The message » et « Rapper’s delight », ce sont les deux faces d’une même pièce. De plus, plaisir de faire la fête ne signifie pas forcément glorification du « bling-bling ». Il faudrait revoir aujourd’hui le clip de « Je danse le mia » d’IAM (1993) : avec nos catégories actuelles, on crierait sans doute volontiers au « bling-bling », du fait de ces « chaînes en or qui brillent ». À l’époque, on a surtout parlé d’humour, il me semble. Cela montre combien les cadres de réception d’une chanson peuvent changer d’une décennie à l’autre. Il faut donc se garder de tout jugement définitif qui enferme des pratiques dans des cases souvent trop étroites…

Certains artistes n’ont pas hésité à faire des concessions en proposant une « carotte » sur leur album afin de passer en radio. Rap et concession ne sont-ils pas justement deux termes foncièrement antinomiques ?

Je ne crois pas que les choses se passent toujours réellement comme ça. On a beaucoup fantasmé par exemple sur les passages en studio du patron de Skyrock, qui y demanderait de raccourcir les chansons, d’enlever des « gros mots », de privilégier les refrains chantés, etc. La réalité est sans doute plus ambiguë, du moins le plus souvent, avec effectivement un poids certain de la seule radio rap à diffusion nationale, et des artistes qui s’autocensurent plus ou moins consciemment pour parvenir à faire partie de la playlist de Skyrock. Et il ne faut pas oublier que certains rappeurs ont connu un succès commercial « important » sans passer en radio. Il suffit de ce point de vue de regarder le parcours d’un groupe comme La Rumeur, qui a même été en procès avec Skyrock [bien que l’on se souvienne plus de leur marathon judiciaire face au ministre de l’Intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, ndlr].

Y a-t-il finalement un si grand écart entre NTM et Léo Ferré par exemple, concernant le message à faire passer ?

Non, la comparaison est effectivement possible sur certains plans, que ce soit avec Ferré, Brassens, Brel, Gainsbourg, le Renaud des débuts que les rappeurs citent explicitement, ou encore l’adresse au président que réalise Boris Vian dans le « Déserteur » (« Monsieur le président, je vous fais une lettre… ») et que de nombreux rappeurs actualiseront, etc. Pour ma part, j’ai également cherché à jeter un pont entre rap et chanson française d’entre deux siècles, la chanson réaliste des Bruand, Montéhus, des « Diseuses », car à chaque fois, l’enjeu principal est de faire entendre (jusque dans la prononciation et l’intonation) le langage de la rue, le langage ordinaire tel qu’il est performé dans les conversations ordinaires, populaires.

Le rap est-il un moyen d’affirmer sa différence, le Nord contre le Sud, le gangsta rap contre un rap plus bon enfant ?

Plus que des styles de rap, ce sont surtout des territoires qui s’opposent, ou plutôt qui entrent en compétition les uns contre les autres. Il y a deux raisons à cela, ancrées dans la culture hip-hop. C’est tout d’abord la forte dimension agonistique du rap (qu’on retrouve dans les battles, les clash, la tradition de l’egotrip, etc.) : il s’agit d’affronter l’autre, et si possible de l’écraser par sa meilleure technique ou sa meilleure tchatche. Ensuite, il y a la dimension plus politique de « représenter », chanter pour quelqu’un, pour que quelqu’un se reconnaisse et en soit fier ; or cette représentation est d’abord liée au quartier dont sont issus les rappeurs, puis la ville, la région, etc. Et ces différences « géographiques » finissent par créer lentement des différences de style : les apprentis rappeurs de tel quartier ayant tendance à s’inscrire dans la même mouvance de rap que leurs glorieux aînés, qui sont souvent ceux qui les forment dans des ateliers, qui les aident à accéder à un premier studio d’enregistrement, à faire leurs premiers concerts, etc. Aux États-Unis, chaque grande ville ou presque est reconnue pour un style spécifique de rap, une école particulière ; ce n’est pas encore le cas en France, et le centralisme y joue pour beaucoup.

Le rap n’est-il pas qu’un mouvement qu’il convient d’inclure dans le hip-hop où se regroupe, rap, danse, graff, DJ, beat box…, tout un univers qui a bouleversé les banlieues et ses codes dès le début des années 1990 ?

Exactement, c’est ainsi qu’il s’est présenté en France dans les années 1980 : une forte emprise de la danse et du graff, et une présence marginale de la musique, on l’a dit, mais le tout mêlé dans une culture globale, la culture hip-hop, avec ses valeurs, voire son organisation autour de la Zulu Nation [une association fondée par le DJ Afrika Bambaataa, antiviolente et prônant le développement de la culture hip-hop dans le monde entier, ndlr]. À l’heure actuelle, la danse et le graff ne sont guère plus pratiqués comme ils ont pu l’être ; ils ont connu une forme d’institutionnalisation dans leurs mondes de l’art respectifs. Que reste-t-il de la culture hip- hop ? Il faudrait demander à un jeune rappeur d’aujourd’hui ce que signifie le terme… Il y a eu indéniablement une autonomisation de chaque discipline, et la culture globale dont elles sont issues est actuellement peu revendiquée ; il faut espérer que cela change progressivement.

Le rap français a indéniablement connu son âge d’or entre 1990 et 2000. Où en est-il aujourd’hui ?

« Âge d’or » est une expression qui renvoie à une certaine philosophie du déclin, du « c’était mieux avant ». Qu’est-ce qui était mieux, et quand ? Ce sont des questions difficiles, y répondre l’est encore plus pour moi dans la mesure où ce sont des critères subjectifs qui, seuls, peuvent régler la question du « mieux ». Je crois que les jeunes auditeurs, adolescents, qui écoutent actuellement du rap, s’y retrouvent sans problème ; par contre, pour ceux qui en écoutaient dans les années que vous pointez, et qui ont grandi avec cette musique, cela peut être plus difficile. Mais c’est dû à une raison « mathématique » : les rappeurs sont auteurs-interprètes de leurs chansons, ils y racontent leur vécu. Donc, les auteurs-interprètes d’aujourd’hui qui ont une vingtaine d’années rencontrent le public de leur génération, mais peinent à être audibles pour les trentenaires ou quadragénaires. Après, cela signifie aussi sans doute que certains rappeurs, plus anciens, préfèrent s’adresser aux adolescents qu’au public qui les a suivis à leurs débuts, mais qui a grandi et ne peut se retrouver dans leurs paroles actuelles. Donc, où en est le rap français aujourd’hui ? Sans doute à un moment charnière, entre un héritage qui peut commencer à être lourd, de nouvelles conditions de diffusion et de commercialisation, et une diversité de styles qui n’a peut-être jamais été aussi importante, même si elle est moins médiatisée. Bref, il reste beaucoup de choses à faire et à inventer : observons ce qu’il va se passer.

De « Police » ou « J’appuie sur la gâchette » de NTM à « Sacrifice de poulet » du Ministère A.M.E.R., de nombreux groupes de rap ont attisé le feu entre jeunesse et forces de l’ordre. Cela symbolise-t-il ce malaise des banlieues qui n’a fait que croître depuis les années 1990 ?

C’est l’histoire de la poule et de l’œuf… qui a commencé ? « J’appuie sur la gâchette » de NTM (1993) est un excellent exemple, car c’est un signe éclatant d’une profonde mécompréhension. Il a été pris pour une apologie de la violence, alors que c’est une magnifique chanson sur le désespoir contemporain, celui d’un quadra ballotté entre « métro-boulot-aseptisé du cerveau », et qui finit par se suicider. À l’automne 2005, on s’est demandé si les violences urbaines dans les banlieues avaient pu être en quelque sorte provoquées, facilitées par les rappeurs. Honnêtement, il est difficile de prêter un tel pouvoir à des chanteurs. Il est par contre plus facile de réduire une situation sociale éminemment complexe, éminemment plurifactorielle, à une cause unique ou presque… Après, le malaise des banlieues n’a effectivement fait que croître, et il ne semble pas qu’on aille actuellement vers du mieux ; le rap en dresse de nombreux constats désabusés. C’est pourquoi il reste urgent de l’écouter de temps en temps. Au-delà du problème des banlieues, cela représente aussi un état des lieux assez alarmant sur la liberté d’expression en France actuellement, sur le « moralement » et le « politiquement correct ». Certes, nous sommes pris dans une certaine judiciarisation des sociétés, où les procès fleurissent ; mais que des ministres, des députés s’en prennent à des chansons à la moindre occasion pour gagner quelques voix, que des organisateurs de concert finissent par les suivre et déprogrammer des artistes sous la pression, tout cela n’est pas très rassurant… Le groupe La Rumeur a connu huit ans de procédures judiciaires de la part d’un ministre de l’Intérieur pour avoir insinué qu’il puisse, aujourd’hui en France, exister des bavures policières. Des historiens, des sociologues, des policiers ont dû se succéder à la barre pour confirmer qu’une telle insinuation n’etait ni une élucubration, ni une diffamation, mais une triste réalité ; huit ans de procédures pour un tel résultat ?

Pouvez-vous nous parler du gansta rap apparu aux États-Unis avec le discours très virulent de N.W.A. et qui a fait tant d’émules en France comme outre-Atlantique ?

C’est une « attitude », au sens anglais du terme : une insolence. Celle de NWA précisément, ces « Niggaz With Attitude », ces « Nègres qui osent », « qui ne se laissent pas faire ni avoir » : ces « Négros insolents ». En un mot comme en cent, il s’agit d’une posture esthétique, qui s’exprime dans et par le langage, et qui nécessiterait donc des réponses du même ordre. NWA a commis le titre « Fuck the police » et a toujours demandé pourquoi des policiers n’avaient pas réalisé en réponse un « Fuck NWA ». On retrouve là l’ancienne tradition de la raillerie, où il s’agit de se moquer de l’autre devant un tiers public et juge, l’autre se devant de surenchérir afin de ne pas perdre la face, et ainsi de suite jusqu’à ce que l’un des protagonistes ne réponde plus. De ce point de vue, les rappeurs ont rarement perdu. Le rap est également, pour les filles, un moyen de faire entendre leurs voix sur des sujets aussi forts que la place des femmes dans les banlieues, le viol ou encore la violence conjugale. Est-ce là aussi pour ces artistes, dont Diam’s est certainement la meilleure porte-parole, une formidable fenêtre sur la liberté d’expression ? Il s’agit peut-être plus, malheureusement, pour toutes ces artistes féminines d’une fenêtre sur la « restriction de la liberté d’expression ». Tout s’est passé jusqu’à présent comme si le rap devait représenter toutes les minorités, sauf les femmes et les filles [ne parlons même pas des minorités sexuelles, ndlr]. Pour une Diam’s au succès commercial étourdissant, combien d’autres ont réussi à ne pas rester cantonnées à réaliser les chœurs des refrains de leurs collègues masculins ? Le talent n’est certes pas en cause… Pour ce qui est des femmes qui se sont imposées au sein de ce monde de la musique, je citerai volontiers Casey, Keny Arkana ou Bams ; ou, du côté de la Nu Soul [cette version contemporaine de la soul, souvent proche du rap ou du slam ou du spoken word, ndlr] : les Nubians, Kayna Samet ou Sandy Cossett. Mais elles ont presque toutes connu des réussites commerciales mitigées pour des prestations artistiques reconnues, saluées. Cette situation doit générer des interrogations…

Certains n’hésitent pas à comparer la puissance des textes d’artistes rap hexagonaux à des auteurs célèbres de la Pléiade. Pensez-vous que l’on puisse faire un tel parallèle entre ces deux univers, pourtant assez opposés sur le papier ?

Je ne suis pas pour le fait de comparer des objets culturels qui n’ont pas le même statut : les raps sont des chansons, des objets musicaux, et non de la littérature. Ceux qui font ce type de comparaisons desservent les rappeurs car coucher une chanson sur du papier – comme s’il s’agissait d’un texte – lui fait irrémédiablement perdre une grande partie de son sens, de sa force, qui est celle d’être performée vocalement. Écoutons le rap, mais ne cherchons pas à en faire des anthologies, ou alors des anthologies discographiques. À l’heure actuelle, cette étiquette de « nouvelle poésie » semble s’être déplacée vers le slam, et je persiste à croire que ce n’est pas la meilleure façon de saluer le talent de ces artistes que de les juger à l’aune d’une forme artistique qui n’est pas la leur.

Rap politique, rap hardcore, rap poétique, gangsta rap… Chacune de ces niches a-t-elle développé un langage, une forme d’expression particulière ?

Sur le plan du langage, il n’y a pas de différences fondamentales à mon sens, si ce n’est un peu plus de « gros mots » dans un style que dans l’autre, des cibles préférentielles, etc. Il me semble que c’est plutôt musicalement que ces styles se différencient, avec des références musicales qui ne sont pas les mêmes : les variétés d’un côté, une soul afro-américaine des années 1970 et très pointue de l’autre, un « jazz cool » dans tel autre style… Du point de vue du langage, je préférerais mettre en avant un autre aspect, plus général, qui a à voir avec les conversations ordinaires que j’évoquais tout à l’heure. En effet, quel que soit le style de rap que l’on réalise, il y a à chaque fois cette centralité du langage dans les paroles, et la centralité du rapport rappeur/auditeur, « Je/Tu ». Ces deux aspects combinés ensemble s’entendent dans des éléments récurrents comme « J’te rappe », « J’te parle », « J’te raconte »… À chaque fois, de telles actions langagières ont pour effet de convier l’auditeur dans l’espace de la chanson, un espace qui est là essentiellement conversationnel ; ce sont ainsi les conversations ordinaires qui sont promues au rang de valeur supérieure, à retrouver. Bref, si les rappeurs cherchent à faire passer un message, c’est bien cela : l’importance des conversations ordinaires, l’importance de se parler pour faire avancer la situation.

Si vous deviez choisir les cinq albums les plus représentatifs du rap français, quels seraient-ils ?

C’est une question difficile, d’autant plus pour un grand amateur comme moi… Je pourrais vous proposer une liste avec les noms attendus (MC Solaar, IAM, Fonky Family, NTM, La Cliqua, Oxmo Puccino, Booba, Rohff, Kery James, Assassin, La Rumeur, Ärsenik, Minister Ämer, etc.), je préfère vous en proposer une autre, à partir de disques moins connus mais représentant également des épisodes ou des courants déterminants du rap français. (Notons au passage qu’il existe une liste très intéressante de chansons établie par des amateurs du genre : http://www.abcdrduson.com/100-classiques-rap-francais/). Dans l’ordre chronologique : 1. Fabe, Le fond et la forme, 1997 : cet album d’un trop précoce retraité du rap pourrait être l’un des temps forts de la première génération, celle du début des années 1990 marquée par un flow précis et clair, et une « conscience » tout aussi claire et précise 2. La Caution, Asphalte hurlante, 2001 : un tel disque ne ressemble à pas grand-chose dans le monde du rap français, mais pourrait représenter sa tendance la plus foutraque, foisonnante ; des flows et des écriture à tiroirs. 3. Chiens de Paille, Mille et un fantômes, 2001 : ce disque et ce groupe sont à découvrir (notamment) pour leur façon de décrire la complexité et l’étendue de la palette des émotions humaines, contre certaines idées reçues souvent accolées au rap (qui ne saurait parler que de haine, etc.). 4. Booba, Temps mort, 2002 : à la fois le point d’orgue d’une période courant depuis 1995-1997, avec l’avènement d’une nouvelle génération qui sera estampillée « rap de rue », et les premiers jalons de ce qui deviendra le rap dominant des années 2000. 5. Zone Libre vs. Casey & BJames, Les contes du chaos, 2010 : cet album représente le versant explicitement politique du rap, mais aussi son ouverture vers d’autres univers musicaux, en l’occurrence une rencontre très électrique avec le rock.


Hervé de Carmoy, les dérives du système bancaire
Alice Loffredo, militante féministe

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *