Cinema

Clément Deneux, réalisateur de Zombinladen

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Entretien La vague des bandes- annonces de « faux » films est devenue un genre cinématographique à part entière pour les réalisateurs en herbe qui utilisent Internet comme support idéal à leurs faits d’armes. Clément Deneux a récemment créé le buzz en sortant des profondeurs de l’océan feu l’ennemi public numéro 1, Oussama Ben Laden. Aussi méchant et assoiffé de sang mort que vivant, le zombie terroriste revient pour semer la panique dans la ville de… Belle-Ile. Un pitch pour le moins original qui donne naissance à un trailer empli d’humour décapant et d’effets spéciaux dignes des meilleurs slashers. Un Zombinladen à (re)découvrir d’urgence donc…



Comment est née l’idée de Zombinladen ?

Je cherchais des idées pour réaliser un court-métrage pendant l’été et je suis tombé sur le concours organisé par Panic!Cinéma : il fallait d’abord créer une affiche de film fictif (dans le genre bis ou série Z) pour ensuite en tirer une fausse bande-annonce ou un court-métrage. Comme je suis graphiste à la base, j’ai trouvé le concept plutôt stimulant. C’était à peu près au moment où l’on a annoncé la mort de Ben Laden. Je cherchais des concepts impactants, et le jeu de mots s’est imposé à moi assez vite. Ça m’a fait marrer et je me suis dit que je tenais quelque chose…

Pourquoi avoir opté pour un trailer en langue anglaise tourné à Belle-Ile ?

Belle-Ile est un endroit assez extraordinaire. Enfant, j’y avais passé plusieurs étés de suite, et cela était resté ancré comme un lieu de tournage possible. J’ai aussi un ami originaire de là-bas qui pouvait, de par ses contacts, faciliter l’organisation d’un tournage. Mais c’est surtout, l’association Ben Laden + Belle île qui était tellement absurde que ça en devenait parfait… Pour la langue anglaise, ce n’était pas vraiment prévu au départ. On voulait bien sûr jouer sur les codes du film d’horreur américain et sur le contraste produit entre les personnages très caractérisés et le contexte franchouillard de Belle-Ile, mais les dialogues et la voix off étaient en français. Et puis, l’acteur qui devait jouer le héros n’a finalement pas pu le faire. J’ai alors trouvé Shane Woodward qui est américain pour le coup, et comme Carole Brana se sentait de jouer en anglais, on s’est dit que tant qu’à parodier les films américains, autant y aller à fond et faire le truc tout en anglais. D’autant plus que d’un point de vue purement pragmatique, ça permettait d’avoir une visibilité internationale…

Est-ce toi qui as géré et réalisé les effets spéciaux ?

J’ai eu les idées, mais je n’ai rien réalisé moi-même. J’ai eu la chance de pouvoir collaborer avec deux types formidablement doués dans leur domaine : David Scherer, qui a fait tous les maquillages « physiques » (prothèse, faux sang…). C’est un vrai personnage, un gars super généreux qui bosse sur beaucoup de courts-métrages, et dont je suivais le travail depuis quelques années. Il a son atelier dans le coquet jardin de ses parents en banlieue strasbourgeoise, où les fausses têtes côtoient le potager familial. Sa maman vous offre un café pendant qu’il moule la tête de votre comédien principal, c’est très mignon… Et pour tout ce qui est de la post-production numérique, j’ai travaillé avec Gaël Lucien qui a fait des miracles dans un délai très court. On a fait nos études ensemble à l’école Estienne, et c’est devenu depuis un de mes meilleurs amis et de mes plus proches collaborateurs. Il a appris en autodidacte les logiciels de post-production, dont il est devenu un vrai spécialiste. Et comme la plupart de mes projets réclament leur part d’effets spéciaux, c’est la première personne que je sollicite. Bref, la réussite visuelle du film lui doit énormément !

Peux-tu nous expliquer, l’effet spécial à la fin du trailer, avec le petit chat ?

C’est justement un bon exemple de la collaboration entre des effets physiques (une bouillie de latex créée par David Scherer) et numériques (un compositing fait par Gaël Lucien). En soi, l’effet est très simple : on a juste rassemblé les deux plans en un seul. Mais il faut croire que l’effet est réussi, car beaucoup de gens à travers les commentaires nous ont interpellés sur cette séquence, croyant que nous avions réellement broyé un chaton. C’est la preuve que les gens ont très peu de sens pratique, car dans la réalité, un chaton dans un mixeur, ça ne fait pas du tout comme ça…

Quels sont les films « gore » et particulièrement ceux de zombies qui t’ont largement influencé ?

En fait, je n’ai jamais été très client des films de zombies, je trouve que Romero en avait déjà fait le tour et j’ai l’impression qu’on tourne carrément en rond ces derniers temps en surexploitant le genre… Je suis un peu mal placé pour dire ça mais là, c’est le titre du film qui exigeait la présence de zombies, alors j’étais obligé de jouer sur le registre du « genre » à fond. Pour ce qui est des influences, je me suis effectivement nourri aux films de genre depuis tout petit, et j’ai toujours été attiré par l’aspect transgressif et la portée évocatrice du film d’horreur. Les affiches graphiques, les titres incroyables, les taglines… Tout cela alimente grandement la machine à fantasmes que l’on est en étant gamin. C’était d’ailleurs une des forces du cinéma fantastique des années 1980, sa capacité à stimuler l’imaginaire des spectateurs à travers la promotion. Aujourd’hui, il n’y a plus guère que JJ Abrams qui arrive encore à correctement jouer là- dessus. Après, si je devais citer quelques films qui ont directement influencé Zombinladen, je dirais : Evil Dead 2, Braindead et Shaun of The Dead.

Un Ben Laden attaqué au jambon… Tu partages l’adage selon lequel « on peut rire de tout » ?

Oui complètement, et je trouve qu’on ne rit vraiment pas assez des sujets qui ont l’apparence de la gravité et que l’on définit aujourd’hui comme « sensibles »… Après, il faut être sûr de soi car c’est parfois compliqué. On ressent vraiment la tentation du politiquement correct et de l’autocensure. Même si ça me faisait rire sur le papier, je me posais beaucoup de questions sur certaines scènes et comment elles allaient être interprétées par le spectateur. J’ai même fait changer par crainte en post-production le titre du livre que lit l’héroïne : Islam for dummies [L’islam pour les nuls, qui existe vraiment, ndlr] devenant Islamist for dummies. Ça reste d’ailleurs une des faiblesses du film, il est assez « gentil » au final, probablement trop.

« On peut tuer autant d’enfants que l’on veut, décapiter des jeunes filles, faire des blagues sur les islamistes… Pas de problèmes… Mais alors, les chatons ! »

As-tu reçu des messages de personnes se disant choquées pour avoir utilisé l’image de l’ancien ennemi public n° 1 ?

Eh bien très peu, même si je n’ai pas lu l’intégralité des commentaires, j’en ai lu un paquet. Et je crois que les insultes ou les messages violents se comptent sur les doigts d’une main… J’ai trouvé ça même assez surprenant, je m’attendais vraiment à avoir un tas de commentaires de personnes choquées. Mais pas du tout, les réactions sont même extrêmement positives. Alors, soit on a loupé notre coup, soit les gens ont compris notre démarche et trouvé le film drôle… Après, ils ont peut-être plus d’humour que prévu chez Al Qaïda !
Les seuls retours négatifs, c’est pour le chaton… On peut tuer autant d’enfants que l’on veut, décapiter des jeunes filles, faire des blagues sur les islamistes… Pas de problèmes… Mais alors, les chatons !

Combien de temps entre le tournage et le montage ?

On a fini de tourner début août, et le film devait être prêt pour le 22 septembre et la fin du concours. On a donc eu deux mois pour toute la post-production : montage, effets spéciaux, musique, étalonnage, mixage… Il a fallu parfois faire dans l’urgence, par exemple un des deux musiciens a dû composer un morceau en une seule journée. Ce ne sont pas des conditions optimales, loin de là, mais ça a aussi évité au film de traîner trop longtemps.

Quel a été le budget pour ce trailer ?

On pensait d’abord pouvoir faire le film pour environ 5 000 euros. Mais, d’un point de vue financier, tourner à Belle-Ile-en-mer, ce n’est pas la meilleure idée que l’on a eu : faire venir une vingtaine de personnes en plein week-end noir du croisement entre les juillettistes et les aoûtiens, transporter un travelling et une mini-grue par le bateau… Tout cela a fait gonfler le budget final, plus proche des 8 000 euros.

Ces trailers de « faux films » fleurissent de plus en plus sur le Net. Est-ce, pour les réalisateurs en herbe, un merveilleux moyen d’attirer d’éventuels investisseurs ?

C’est surtout une forme d’écriture cinématographique très intéressante en soi. Elle laisse une large part à l’imaginaire du spectateur qui doit combler les trous. Et, comme la plupart de ces films n’existeront jamais, le spectateur n’est pas déçu. Par rapport à Zombinladen, ce qui était drôle, c’était d’imaginer que des gens aient pu avoir l’idée de faire un long-métrage sur un pitch pareil. C’était plus fort que de faire un court- métrage qui aurait été une forme plus évidente. On ne s’est jamais vraiment posé la question du vrai long- métrage. Mais elle se pose aujourd’hui : le trailer a été vu dans le monde entier, et le retour principal des spectateurs est : « On veut voir le film ! ». Malgré tout, je pense que le film se suffit à lui-même sous cette forme et je ne suis pas sûr que le concept « mérite » un vrai long-métrage. Surtout, je me vois mal passer deux ans sur un film qui n’est qu’un chouette jeu de mots.

Ton trailer a fait un merveilleux buzz sur la Toile. C’est une sorte de consécration ?

Le film doit être à 1 million de vues à l’heure actuelle, ce qui est à la fois énorme et assez standard dès qu’une vidéo, pas trop mal faite, fait un peu parler d’elle. Il y a un relais purement mécanique propre à Internet qui se met en place et qui finit rapidement par atteindre un million de vues… Par exemple, un court-métrage américain d’une dizaine de minutes (The Horribly Slow Murderer with the Extremely Inefficient Weapon) a été vu près de 15 000 000 de fois, ou encore Pixels, le film de Patrick Jean avec une invasion du jeu vidéo dans New York, doit être aux alentours des 5 ou 6 millions de vues. Ça, ce sont de vrais succès. On est plutôt dans la moyenne du but, on va dire. Après, ce qui est assez remarquable, c’est que le film a beaucoup été vu en France alors qu’il en anglais et qu’il est assez violent… Je dois remercier l’équipe de Dailymotion qui a très vite choisi de le mettre en homepage presque une semaine sans interdiction aucune.

Si tu avais un budget illimité pour réaliser Zombinladen, qui, dans ton idéal, verrais-tu pour interpréter Ben Laden et le couple qui le pourchasse ?

Je suis assez fier de mon casting, alors je crois que je garderais les mêmes acteurs et je mettrais tout l’argent dans les effets spéciaux et les zombies.

Travailles-tu déjà sur un nouveau projet ?

J’ai eu quelques contacts avec des boîtes de prod’ depuis la sortie du film, et je dois leur soumettre des projets. J’avais déjà un court-métrage en écriture que je suis en train de développer. Je réfléchis à la bonne direction à prendre dans ces prochains mois. Car, bien sûr, mon ambition principale est de pouvoir faire du long-métrage.


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