Religion

Eric Denimal, auteur de « La Bible pour les nuls »

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EntretienQui a écrit la Bible ? Comment, à partir de ces textes millénaires, sont nées les religions ? Noé a t-il vécu plus de 900 ans ? Pourquoi y a t-il des extrémistes religieux ? Pasteur dans la cité protestante de Nîmes et théologien français, Éric Denimal est l’auteur, entre autre, de « La Bible pour les nuls ». Pour Agents d’entretiens, il répond aux questions historiques, spirituelles que l’on est en droit de se poser que l’on ait lu la Bible ou pas !


« Dans un certain sens, les religions sont des perversions de la croyance. »

La bible est-elle le miroir de tous les peuples ?

La Bible est sans nul doute le miroir de l’homme. Le texte biblique délivre un message qui se veut universel, pour tous les hommes, pour tous les temps et pour toutes les civilisations. Abraham est présenté comme le père des trois religions monothéistes. La Bible a la prétention de fournir une passerelle entre Dieu et l’homme. Les religions, elles, ne sont que des interprétations de textes, nées parfois ou souvent de la manipulation des écrits en vue d’engendrer des systèmes dans lesquels on a enfermé l’homme ; Et lorsque l’on enferme, on devient le maître. La plupart du temps, les croyances qui se mettent en place partent de ces interprétations de la Bible. Les hommes instrumentalisent les écrits afin d’y trouver l’idée qu’ils ont envie de véhiculer. On peut donc dire que, dans un certain sens, les religions sont des perversions de la croyance. Ce sont des systèmes humains mis en place à partir d’un texte qui pouvait pourtant se suffire à lui-même. Bien évidemment, on a besoin de cadre pour vivre sa foi, mais ces cadres sont biaisés puisque mis en place par les hommes. Lorsque l’on regarde l’action de Jésus dans le Nouveau Testament, on note que sa volonté est de démonter les structures mises en place par la religion juive. Les religions divisent les peuples, mais une même religion peut aussi diviser les hommes ; Jésus veut revenir aux sources du message de Dieu. Jésus était, de ce point de vue, une sorte de réformateur.

L’interprétation des textes peut donc conduire à des débordements !

Le texte n’est pas toujours simple à comprendre. Ainsi, l’homme peut tordre les écrits pour les faire entrer dans des concepts préétablis. Il y a toujours eu des intégristes, des terroristes de la foi. L’église a, elle- même, été persécutrice, notamment au moment des croisades ou des guerres de religions. Ce qui est vrai aujourd’hui avec certains islamistes a été vrai avec l’église qui a interprété les textes à sa convenance. Notons que, dans l’Ancien Testament, les prophètes surgissent toujours pour revenir aux sources de la Parole de Dieu car, au fil du temps, les hommes s’éloignent de ce message initial. On ne peut enfermer Dieu et Sa parole dans une interprétation définitive ou un concept bétonné. C’est pourtant ce que font les religions qui, en définitive, placent l’homme au-dessus de Dieu. Or, si Dieu est Dieu, il ne peut qu’être libre.

Comment s’est déroulée l’écriture de la Bible ?

Il y a eu un temps où les savants juifs, les religieux, ont sélectionné un certain nombre de livres, crédibles et authentiques à leurs yeux et ont fixé ce canon en disant : “La révélation de Dieu va être lisible au travers de ces écrits.” C’est ainsi que s’est constituée la Bible hébraïque (la Torah, les Ecrits et les Prophètes). Il faut y ajouter un deuxième canon qui est constitué de textes dont l’importance n’est pas essentielle au niveau de la foi, mais intéressant au niveau historique. Ces hommes ont reçu un message de Dieu au travers des prophètes et ont essayé de mettre en place tout cela pour obtenir également la chronologie de leur propre histoire, celle du peuple Juif. Le canon juif a été bouclé au premier siècle de l’ère chrétienne. Le Nouveau Testament, deuxième partie de la Bible, a connu une rédaction moins chaotique puisque plus récente. Ce sont les Pères de l’Eglise et les premiers conciles qui ont fixé le canon du Nouveau Testament en privilégiant les écrits de rédacteurs ayant connu personnellement Jésus.

Lorsque l’on lit la Genèse, certains personnages comme Adam ou Noé vivent plus de 900 ans. Comment faut-il interpréter cela ?

Les textes de la Genèse (textes fondateurs) sont à la fois des textes qui racontent une histoire (ce ne sont pas des livres scientifiques) et l’interprètent. Derrière ces histoires et ces textes fondateurs, il faut accepter plusieurs axes de lecture que ce soit littéral, symbolique, historique, voire psychanalytique… Concernant les âges, il y a plusieurs explications possibles. La première veut qu’à cette époque, le calcul du temps ne soit pas le même que celui en vigueur actuellement. Il faut comprendre que lire la Bible ne veut pas dire : « c’est exactement comme cela que les événements se sont déroulés ! » Il est nécessaire d’analyser les textes à l’aide de clés de lecture. La particularité de la Bible est qu’elle supporte toutes ces lectures dont je parlais précédemment. Il y a un adage qui dit : « Un peu de science nous éloigne de Dieu, beaucoup nous en rapproche. »

J’ai lu dans la préface d’une des traductions de la Bible que cet ensemble de 66 ouvrages était constitué de : 75 % de récits, 15 % de poésie et 10 % de textes de doctrine. Partagez-vous ce point de vue ?

Oui, j’ai déjà lu ça et j’ai pu le vérifier. La Bible est une collection de 66 livres écrits par une quarantaine d’auteurs sur une période d’environ 1 500 ans. Ce qui est étonnant, c’est que bien que les auteurs ne se soient quasiment pas croisés, on retrouve dans les textes une véritable cohérence. Par exemple, Marc semble avoir été le premier à écrire son évangile et il ne pouvait pas savoir que Luc allait écrire le sien également et pourtant les récits se rejoignent et s’accordent.

Aujourd’hui, le codex (manuscrit ancien relié) de Leningrad est visiblement, avec le codex d’Alep, le seul représentant complet du texte massorétique (Ancien Testament hébreu) !

Le texte massorétique est une version de la Bible en hébreu avec une codification spéciale qui introduit des voyelles qui, dans la langue ancienne, ne s’écrivaient pas. Ce procédé était destiné à maintenir une bonne compréhension du texte alors que l’usage de l’hébreu se perdait. Ce travail date du VIIème siècle au XIème environ. C’est donc une transcription récente par rapport aux manuscrits originaux. Or, l’histoire des manuscrits est passionnante. Il faut comprendre que nous ne possédons aucun des textes originaux et que nous sommes en possession de copies de copies. Cela est également le cas pour d’autres textes profanes de l’Antiquité que, pourtant, personne ne remet en doute. Les manuscrits de la Mer morte (également appelés manuscrits de Qumrân, qui sont une série de parchemins et de fragments de papyrus juifs rédigés aux environs du Ier siècle av. Jésus Christ et retrouvés en 1947 en Transjordanie) ont donné lieu à pas mal de polémiques et d’idées fantasmatiques. Pourtant, lorsque l’on a comparé ces rouleaux aux copies que nous possédions déjà, on a pu constater qu’il y avait très peu de variante. Nous pouvons donc supposer que les écrits dont nous disposons aujourd’hui diffèrent peu des textes originaux.

Peut-on dire que le concile de Nicée qui date de 324 convoqué par Constantin I er a décidé de poser les bases du christianisme !

Dans une certaine mesure oui ! Même si celui qui a vraiment posé les bases du Christianisme est l’apôtre Paul (Paul de Tarse), avec ses lettres collectées dans le Nouveau Testament. Le concile de Nicée a essayé de fixer certaines doctrines afin d’éviter des déchirures dans le Christianisme à cause de diverses interprétations sur le statut de Jésus, homme ou Dieu. C’est lors de ce concile qu’est proclamé la divinité de Jésus comme Fils de Dieu ; de cette analyse théologique a ensuite été élaborée la doctrine de la trinité.

Quelles traces historiques avons-nous concernant la vie de Jésus ?

Il y a des textes profanes qui attestent du mouvement qu’il a créé et de l’historicité du personnage. L’historien juif Flavius Josèphe, qui n’était pas partisan du Christianisme, né quelques années après la mort de Jésus, en parle. La personnalité de Jésus n’est d’ailleurs plus mise en doute. Il existe également des textes profanes qui racontent des choses sur la naissance et l’enfance de Jésus, mais qui ont été refusés par les Pères de l’Eglise car jugés trop exubérants. On y dit, par exemple, que Jésus était mauvais joueur et qu’il intervenait de façon miraculeuse pour gagner face à ses camarades de jeu !

Il a fallu sept jours à Dieu pour créer la terre. Combien de temps faudra t-il à l’homme pour la détruire ?

C’est une triste question, mais hélas d’actualité. Je pense qu’effectivement la terre est en mauvais état. Les hommes devaient la respecter, et la cultiver (c’est à dire lui rendre un culte !). Comme l’homme méritait un temps de repos, il fallait accorder un sabbat à la terre… Dans l’espérance biblique, on parle d’une terre qui souffre mais qui sera restaurée. Comme l’homme, elle aspire à un meilleur qui doit venir, mais venir d’ailleurs ! On a l’impression que, selon le texte biblique, notre terre ne serait que provisoire. De nouveaux cieux et une nouvelle terre sont promis. Pour quand ? Le temps, et surtout le Maître du temps, nous le diront !


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