La mer à perte de vue, le soleil qui, tout droit sorti d’un tableau de Turner, vient épouser la ligne d’horizon, une terrasse qui surplombe la plus belle baie du monde, les cigales comme enivrante musique de fond… C’est dans ce petit coin de paradis, à l’abri des plages bondées et du tourisme de masse, que Nans Gaillard, l’enfant du pays, passé par chez Lasserre, Joël Robuchon ou encore Ronan Kervarrec a, à la sueur de son front, construit son rêve, celui d’être le premier restaurant étoilé de cette cité balnéaire qu’est La Ciotat. La personnalité d’un chef se traduit indéniablement dans ses assiettes et celles que propose Nans Gaillard sont un parfait prolongement de l’homme qu’il est. Simple et chaleureuse, sa cuisine ne se perd pas en fioritures et va à l’essentiel ; Elle est authentique, à son image. Rencontre avec un fier Gaillard !
« Dire parce qu’on est restaurateur dans le Sud de la France que tous nos produits viennent de Méditerranée, c’est des conneries ! »
Est-ce la gourmandise qui vous a guidé vers ce métier de chef cuisinier ?
Oui à 100% !
Vous êtes donc un grand gourmand ?
Comme beaucoup de chefs je pense, j’étais gourmand de la cuisine de ma mère, de ma grand-mère, de sel, de sucre. J’ai passé une grande partie de mon enfance en Bretagne, ce qui a été l’occasion de découvrir de merveilleux produits du terroir. J’ai toujours adoré manger et le simple fait de passer à table me mettait en joie. Le poulet/frites, le veau Marengo, l’odeur du pot-au-feu les soirs d’hiver, les langoustines en été ou le poisson frais… Celui qui m’a élevé était un marin pêcheur et donc, forcément, tous les soirs il revenait avec du poisson frais et des coquilles Saint-Jacques les week-ends. Comme à l’école ça n’allait pas du tout et qu’en troisième, au collège, c’était une véritable catastrophe, j’ai dû tout de suite choisir une voie afin d’éviter de rester sur le bord de la route. À la maison, on m’a expliqué : « comme tu n’as rien foutu à l’école, il va maintenant falloir que tu ailles travailler. » Au départ, j’avais le projet d’entrer en école hôtelière mais je n’avais pas la moyenne pour intégrer le public et je ne voulais pas que mes parents dépensent de l’argent dans le privé. J’ai donc décidé d’opter pour l’apprentissage. La visite d’un CFA (Centre de Formation d’Apprentis) m’a tout de suite plu. Le rythme de deux semaines en entreprise et d’une à l’école me correspondait bien. Ensuite, j’ai eu la chance de tomber sur un merveilleux chef/patron dans le sud Finistère qui m’a pris sous son aile en Juillet 98 et avec qui je suis resté pendant deux ans. Dès que j’ai eu mon CAP en poche, juste après l’Euro de foot 2000, je suis parti au château de La Pioline à Aix en Provence. Je me rapprochais de mon Sud natal.
Vous êtes passé dans de nombreuses maisons prestigieuses comme Robuchon à Paris ou Lasserre mais je crois que c’est le chef Ronan Kervarrec qui vous a laissé une trace indélébile ?!
C’est, dans mon parcours, le chef dont j’avais besoin avant de ne le devenir à mon tour. Il m’a remis dans le droit chemin et cela était nécessaire. Je sortais de dix années passées à Paris et, lorsque je suis arrivé à Eze, j’ai été frappé par le talent de Ronan Kervarrec qui sortait tout juste d’un Bocuse d’or et faisait montre d’un très haut niveau technique avec une approche toute particulière de penser les plats, de les dresser… Une conception qui m’a permis justement de voir la haute gastronomie autrement et de me reconnecter à la cuisine de haut niveau. Sur Paris, on va dire que j’avais eu un cursus montant. À 25 ans, je suis entré à l’atelier de Joël Robuchon à Saint-Germain et, même si en tant qu’expérience personnelle cela demeure ma plus grande fierté d’avoir travaillé pour ce grand Monsieur, c’était une approche assez différente de la gastronomie telle que je l’entendais. La partie business était très présente et j’ai dû apprendre à « tenir » mes journées d’une autre façon. C’était énormément de couverts pour un deux étoiles Michelin, un univers particulier dans lequel je me suis, il faut bien le dire, un peu perdu en y travaillant comme un fou de 8 heures à 1 heure du matin. L’intensité était telle que j’ai mis un peu de côté la technique pure. Comme je suis resté très longtemps chez Monsieur Robuchon, je me suis quelque peu endormi sur mes lauriers. J’étais plus devenu une « machine de guerre » à envoyer en cuisine qu’autre chose. Le chef Kervarrec m’a permis de me recentrer sur l’assiette. En arrivant dans le Sud, je n’avais pas ce que l’on peut appeler la grosse tête mais j’étais confiant, parce que j’avais connu Robuchon et Paris. Et là, dès mon arrivée à « La chèvre d’or » à Eze, j’ai pris une grosse claque qui m’a fait prendre conscience de la nécessité que j’avais de revenir aux fondamentaux, à la technique rigoureuse indispensable si, moi aussi, j’aspirais à devenir chef. Aux côtés de Ronan Kervarrec, j’ai intégré une brigade avec une vraie rigueur.
Même si vous avez passé une partie de votre jeunesse comme vous le disiez en Bretagne, vous êtes natif de La Ciotat. Ouvrir votre propre restaurant dans la ville où vous êtes né, c’était un rêve de gosse ?
C’est un rêve de gosse certes, mais un rêve enfoui en moi. Après mon apprentissage, j’avais le désir de revenir dans le Sud auprès de mon père que je ne voyais quasiment jamais. J’ai franchi une première étape à Aix-en-Provence donc vers 18/19 ans après mon apprentissage, mais je savais qu’un passage par la capitale s’avérait quasiment obligatoire en vue de gonfler mon CV. Pendant presque dix ans, j’ai donc mis mon rêve de Sud dans un coin de ma tête en ne me focalisant que sur cette expérience parisienne. Bizarrement, lorsque je revenais les étés passer un mois de vacances là où j’étais né, je voyais les plages bondées de La Ciotat et je me disais que jamais je ne ferai une saison dans le Sud. Et puis, avec le temps, on évolue et après dix ans de vie dans le tumulte de la capitale, j’ai eu envie de revenir vers mes racines.
Vous avez eu vent que ce restaurant qui est désormais le vôtre à La Ciotat allait être mis en vente et, après un déjeuner sur place, je crois que vous vous êtes présenté aux propriétaires de l’époque ?!
Je ne sais pas si c’est de la chance, du hasard… Toujours est-il que lorsque je quitte la « Chèvre d’or » et que je reviens à La Ciotat début décembre 2012, on me dit tout de suite que je dois aller voir cette auberge qui va peut-être être mise en vente. Je décide donc d’y venir déjeuner en famille un dimanche et, à la fin du repas, je me présente. Le feeling est tout de suite passé avec les propriétaires de l’époque et, quelques temps après, je décide donc de revenir à l’auberge afin de visiter le lieu avec un œil un peu plus aiguisé, voir ce dont le restaurant dispose comme matériel en cuisine et me renseigner sur le prix. Les propriétaires m’ont ensuite rappelé pour me proposer de faire la saison à leurs côtés. J’ai accepté à condition que je puisse racheter ensuite. Cette expérience, loin des grandes maisons dans lesquelles j’avais travaillé, m’a permis de me familiariser avec l’endroit. J’ai vite compris que j’allais devoir cravacher dur pour faire les choses à ma façon, mais c’était une formidable occasion de me découvrir en tant que jeune chef. Là, j’ai vraiment remonté les manches pour travailler comme jamais et, quand je vois ce qui a été accompli en sept ans, je me dis que j’étais quand même super motivé pour abattre autant de boulot.
Cette « table de Nans » se situe dans un endroit magique face à la mer. Cet environnement est-il pour vous source d’inspiration culinaire ?
On pourrait le penser, mais non. D’autres personnalités se serviraient en effet du lieu pour penser leurs assiettes, moi pas ! Ce lieu, c’est avant tout une source de repos.
Le calme après la tempête du service ?
Oui, voilà, c’est beaucoup plus de cet ordre-là. En prenant ce restaurant, je suis devenu chef d’entreprise en même temps que chef de cuisine. Pour mes premières cartes, je me suis donc beaucoup inspiré de ce que j’avais pu découvrir dans les restaurants au sein desquels j’étais passé. Je n’ai pas fait du copier/coller mais cela m’a permis de trouver une ligne conductrice sur laquelle je pouvais me reposer en y incorporant un peu ma touche personnelle bien évidemment. Mes cartes, j’y pensais à mon bureau tout en préparant mes commandes. La terrasse face à la mer, c’était surtout pour me détendre avec une clope et un verre de whisky. Il faut savoir que les questions que l’on se pose quand on conçoit les cartes sont tout autant culinaires que financières quand, comme moi, on a cette double casquette de chef et d’entrepreneur. Par exemple, si je décide de mettre du homard à la carte pour me faire plaisir, je dois penser l’assiette en me disant : « Comment vas-tu faire pour inclure ce produit d’exception alors que tu proposes un menu très abordable pour un étoilé ? » Ici, c’est fini le temps où j’avais dix gars avec moi aux fourneaux pour m’épauler. À La Table de Nans, j’ai juste une personne avec moi aux fourneaux, deux mecs de vingt ans aux entrées, un jeune qui m’envoie des desserts traditionnels car je ne peux lui demander des miracles à lui tout seul… Le but premier, c’est de penser les plats dans l’optique d’éviter de nous mettre sous l’eau à chaque service.
Ça ne doit pas être évident de faire coexister en vous cette partie chef d’entreprise, obligé de penser à faire de votre restaurant quelque chose de rentable qui puisse payer ses salariés, et le côté créatif de chef et ses envies de plats d’exception ?!
C’est un challenge qui me plait. Je me suis toujours adapté aux équipes que j’avais avec moi. Les quelques fois où j’ai tenté de mettre un véritable coup de boost sur la technique, le résultat a été que j’ai vite cramé les gens qui travaillaient à mes côtés.
Quand vous avez repris ce restaurant, vous pensiez à l’étoile dès le départ ?
Oui. C’était clairement l’objectif ! Mais je n’avais pas de plan de route ou quoi que ce soit. Je ne me suis pas dit : « Dans deux ans, tu te dois de figurer au guide ! ». J’étais revenu chez moi, à La Ciotat, et je voulais marquer le coup en étant le premier restaurant étoilé de la ville. J’ai pensé : « Tu n’as pas fait dix ans à Paris dans des maisons de prestige pour rien ! » C’était donc certes un objectif acquis en moi mais pas pour autant une obsession.
L’étoile est arrivée très rapidement, un an et demi environ après l’ouverture de « La table de Nans ». Vous avez été surpris de cette si rapide reconnaissance ?
Je savais que j’avais fait une belle saison 2014 tout en étant limité sur le service avec des jeunes courageux mais sans beaucoup d’expérience dans le domaine de la gastronomie. En cuisine, j’étais « no limit » sur les heures envoyées chaque jour. Je suis donc parti en vacances satisfait du travail accompli sans savoir que, pendant un an, les inspecteurs du Guide étaient passés à de nombreuses reprises. Le 30 janvier 2015, lorsque le Michelin m’appelle pour m’annoncer la nouvelle, j’ai été forcément surpris, touché, fier et heureux comme tout chef qui reçoit sa première étoile. Dès l’ouverture du restaurant, le guide s’était intéressé à moi. Je l’ai su car, un matin, un inspecteur qui avait dormi à l’auberge s’est présenté et m’a posé pas mal de questions pour connaître la raison qui me poussait à proposer de la cuisine classique qui ne faisait pas forcément montre de tout ce que j’avais pu acquérir comme techniques dans les maisons au sein desquelles j’étais passé. En partant, cet inspecteur m’a juste dit : « Persévérez, on reviendra ! » Mine de rien, cette phrase m’a énormément boosté alors que l’on sortait d’une saison hivernale pitoyable avec très peu de clients en semaine et un vrai rush version « maison de retraite » le dimanche où je proposais quatre viandes, cinq poissons ; Bref je me compliquais énormément la tâche. La formule ne fonctionnait pas. Je perdais beaucoup de marchandise que je donnais au personnel. Je me posais plein de questions sur mon choix de vie et j’avoue que le fait que cet inspecteur m’encourage m’a permis de retrouver une motivation, une énergie et l’envie de me donner encore un peu plus à corps perdu dans le restaurant pour qu’enfin une étoile puisse briller sur un établissement de La Ciotat.
L’étoile demande une excellence permanente, à chaque service. La sortie du Guide chaque année se traduit-elle par une appréhension ?
Ce temps-là est fini pour moi ! Les deux premières années en tant qu’étoilé m’ont fait souffrir car je me cherchais encore dans mon rôle de chef. Je n’étais pas assez créatif et pas mal critiqué sur le fait que mon restaurant ne méritait pas de faire partie du cercle fermé des étoilés. Je me perdais dans la recherche de goûts, comprenant bien vite que j’étais incapable de sortir de ma zone de confort. Après, en 2016, je vois qu’avec une cuisine classique et une addition raisonnable je suis confirmé par le Guide Michelin et je commence à prendre confiance en moi. Ensuite, il y a eu la rencontre avec Lucie qui m’a permis de voir encore plus sereinement l’avenir. Aujourd’hui, je me sens totalement libéré. Je sais ce qui je suis en tant que chef et je sais ce que j’aime envoyer dans l’assiette ; Point ! Je ne me dis pas que je vais aller chercher une deuxième étoile. À une époque, j’envisageais cela mais je sais très bien que c’est impossible en l’état. Il faudrait d’abord que je continue à transformer encore plus en profondeur le restaurant. Il faudrait par exemple que je refasse ma cuisine où le matériel est assez ancien. Je me pose d’ailleurs la question quant à savoir si je suis un chef tout simplement capable de prétendre un jour à deux étoiles ? Peut-être pas en fin de compte ! Il faut arrêter de se prendre la tête à vouloir toujours plus. Aujourd’hui, le restaurant fonctionne bien et je peux vous dire qu’en France tenir à bout de bras une entreprise n’est pas chose facile.
Et cette cuisine étoilée qui est la vôtre, comment pourriez-vous justement la définir en quelques mots ?
J’ai mis beaucoup de temps à trouver les mots justes et je pense sincèrement que ma cuisine est chaleureuse et gourmande. Cela s’arrête là !
Simple honnête comme le disait Auguste Escoffier ?
Ça, c’est plus dans ma vie je dirais !
Mais il y a quand même peu de décalage entre le chef et l’homme que vous êtes ?!
C’est sûr ! Là, les deux mois et demi de fermeture obligatoire en raison de cette crise de la Covid m’ont permis justement de m’analyser un peu plus, de prendre du recul sur ma vie personnelle, de penser au recrutement, de modifier sans tout changer. Il n’y a, par exemple, plus de plats à la carte, simplement des menus simplifiés. Pendant les quinze jours qui ont suivi la réouverture du restaurant, je n’ai proposé qu’entrée/plat/dessert afin d’éviter de cramer les gars qui bossent à mes côtés. Je me sens encore plus libre en cuisine. Aujourd’hui, même si dans quelque temps le Guide Michelin estime que je ne mérite plus d’être étoilé je m’en tape finalement. Je me concentre vraiment sur le produit et le goût. Bien sûr, il ne faut pas trop s’aventurer sur le côté bistrot afin de ne pas décevoir celles et ceux qui viennent au restaurant et veulent quelque chose qui soit en rapport avec ce que l’on est en droit d’attendre d’un étoilé, mais je fais attention à ne pas trop me disperser dans ma cuisine au risque de me perdre.
On évoquait le confinement. Pour un chef, la transition entre plus de quinze heures quotidiennes à travailler en cuisine et le fait de ne plus rien faire du jour au lendemain ne doit pas être forcément facile à vivre ?!
Il y a eu trois phases en fait. Il y a tout d’abord eu quinze jourspendant lesquels, avec Lucie, ma femme, on a dû finir les restes de nourriture. On venait d’acheter pour 500 euros de truffes noires ! On a congelé une grande partie de la viande et des poissons pour nous. Après cela, il y a eu une deuxième phase où j’ai dû faire un crédit tout en me retrouvant inactif. Là, j’étais vraiment dans le mal ! J’en voulais à tout le monde. Puis, en mai, j’ai bien compris que l’on n’allait pas ouvrir tout de suite et je suis devenu assez fataliste et plus détendu.
La relation avec Lucie que l’on évoquait tout à l’heure qui est venue au départ comme employée au restaurant et est aujourd’hui votre épouse, cela se gère comment dans cette ambiance quand même particulière et parfois tendue d’un restaurant étoilé ?
C’est quelque chose de rassurant. On se sent mieux et plus fort à deux. Lorsqu’elle est arrivée ici à La Table de Nans avec son CV, c’était forcément quelque chose de très bénéfique pour le restaurant. À 28 ans, elle avait déjà passé quatre ans au Laurent et trois ans au George V, ce qui en impose quand même. Après, c’est l’étoile qui l’a décidée à venir travailler ici et le destin a fait le reste.
Dans le fonctionnement du restaurant, vous travaillez aujourd’hui en binôme, élaborant les menus ensemble, prenant les décisions de concert ?
Au départ Lucie était employée ici et lorsque la nature de notre relation a changé, je l’ai forcément plus impliquée dans le restaurant. On s’est donc mis à élaborer les cartes ensemble ce qui, en tant que chef, m’a permis de grandir. En la regardant faire aux fourneaux, j’ai pu corriger mes erreurs d’avant, lorsque le fait d’être seul et la tête dans le guidon m’empêchait d’avoir le recul nécessaire pour analyser ce que je faisais. À deux, on est forcément beaucoup plus fort. Il faut simplement savoir se tempérer parce que l’on est tentés de partir sur des plats très techniques, de vraiment se faire plaisir en cuisine… Il faut savoir raison garder car à pousser l’excellence, à trop en vouloir, on finit par se brûler les ailes. Il ne faut jamais se laisser déborder par sa cuisine.
Même si cet environnement n’est pas, comme vous le disiez, une source d’inspiration pour vos créations gastronomiques, la mer qui nous entoure doit, a minima, vous fournir les produits dont vous avez besoin pour la réalisation de vos assiettes ?!
Je vais être honnête. J’aimerais pouvoir vous dire que, eu égard à la situation géographique qui est la mienne, je ne suis approvisionné que par des pêcheurs de Méditerranée mais ce n’est hélas pas le cas. Après, chaque restaurateur est libre de dire ce qu’il souhaite à son client sur la provenance de ses produits mais moi, je l’avoue, je n’ai pas le réseau nécessaire pour m’approvisionner à l’année auprès des producteurs locaux. Je n’ai pas honte de dire que je fais venir pas mal de mes produits de Bretagne où j’ai grandi. Je passe mes commandes là-bas, cela arrive en direct et les prix sont très concurrentiels et me permettent donc de proposer un menu au tarif tout à fait raisonnable pour un étoilé. Cela serait stupide de passer par un grossiste des Bouches du Rhône qui, lui-même, va prendre une partie de son poisson en Bretagne ! Dire parce qu’on est restaurateur dans le Sud de la France que tous nos produits viennent de Méditerranée, c’est des conneries ! Dans ma carte, la soupe de roche, c’est de Méditerranée, le thon rouge également, quand je peux avoir du denti des pêcheurs de La Ciotat je ne me gêne pas mais pour le reste, je le dis, cela vient de Bretagne. Je n’ai pas le temps de poser avec des pêcheurs du coin pour alimenter les réseaux sociaux et soigner mon image !
C’est donc le produit qui s’adapte à votre carte et non l’inverse comme certains grands chefs pour qui le produit va inspirer le menu du jour ?!
Je n’ai pas la force mentale comme certains chefs d’aller sur les marchés pour y trouver ma source d’inspiration. J’ai gardé mes habitudes parisiennes où les produits étaient déposés sur le trottoir dans de la glace pour être de suite travaillés en cuisine.
Et si je vous invite à dîner, je vous prépare quoi pour vous faire plaisir ?
Si je vous demande une entrecôte/frites avec de la sauce béarnaise, me ferez-vous des frites maison et une béarnaise maison ?
Je peux essayer, après je ne vous garantis pas que cela soit parfait !
Sinon, un veau Marengo avec des olives vertes et des pâtes.
Telle une madeleine de Proust ?!
Oui, pour me souvenir de ce qui m’a donné envie de faire ce métier !