Entretiens Musique

Desmond Myers, le feu sacré

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De ses cinq années passées à Paris, outre un français impeccable, Desmond Myers a gardé de merveilleux souvenirs, fruits de son passage sur la scène du célèbre Lido ou au sein du groupe Her dans lequel il a « remplacé » au pied levé Simon Carpentier, prématurément disparu. De retour à Atlanta, l’artiste a gardé un pied des deux côtés de l’Atlantique, travaillant sur son premier album, attendu début 2021, avec le producteur hexagonal Mathieu Gramoli. À l’écoute de « Playing With Fire », son premier single à l’orchestration volontairement très minimaliste, on est conquis par la voix angélique de Desmond Myers et son invitation à jouer avec le feu !

« J’ai vraiment pensé cet album comme une confession. »

Cliquez pour découvrir le singe de Desmond Myers “Playing With Fire”

« Jouer avec le feu », est-ce aussi dangereux que plaisant ?

Le danger et le plaisir sont deux choses qui vont de pair. C’est très humain d’être tenté par l’interdit ou bien même de se faire mal. L’homme a, je crois, au fond de lui ce besoin d’expérimenter des choses nouvelles, d’être sur le fil du rasoir. Le sujet que j’ai souhaité mettre en avant dans ce single « Playing WIth Fire », c’était le désir de faire quelque chose de dangereux plus que le passage à l’acte en lui-même. C’est l’attirance vers ce côté interdit qui me paraissait intéressant de mettre en lumière.

La tentation, le désir, thèmes centraux de ton single, sont-ce des sentiments humains aisément maîtrisables selon toi car depuis Eve et le jardin d’Eden, il semble que la tentation soit au centre de tous les débats ?!

L’homme a, ancré en lui, ce besoin de chercher de nouveaux horizons, de nouvelles sensations et donc, naturellement, il va se tourner vers ce qui l’attire tout en lui faisant peur, c’est-à-dire l’interdit. Après, tout est une question d’équilibre et il convient donc d’apprendre à jouer avec le feu sans pour autant s’y brûler.

Aller puiser tout au fond de soi, là où ça fait mal, c’est la meilleure source d’inspiration pour être créatif ?

En tant qu’artiste, on se doit bien souvent d’avoir une image au sein de la société, cette société du paraître. Mais l’image que nous véhiculons est souvent en définitive assez éloignée de la personne que nous sommes au fond de nous. Etre honnête, en phase entre ce que l’on montre et ce que l’on est, c’est essentiel à mes yeux. On ne doit pas se mettre en scène pour représenter un cliché ou bien encore un pseudo idéal, mais être en phase avec qui l’on est vraiment au plus profond de soi. Aller là où ça fait mal, se livrer totalement, c’est une idée qui a germé en moi lors d’une discussion avec une amie alors que j’étais à Paris justement. Nous parlions de nos enfances respectives très différentes, des chemins de vie qui avaient été les nôtres et qui, forcément construisent la personne que nous devenons avec le temps. Ma vie d’adulte est si éloignée de celle que j’avais étant enfant que j’avais du mal à me situer, à me positionner et, finalement, à savoir qui j’étais vraiment. Je me suis vite rendu compte que me mettre à nu dans les textes de mes morceaux était un moyen d’apprendre qui j’étais à l’intérieur.

Justement, ton album s’annonce t-il comme une plongée dans ton Moi. Peut-on dire que c’est une sorte de thérapie musicale pour libérer tes démons, des maux liés à l’enfance ?

On a trop tendance, dans notre société, à plus se focaliser sur le paraître que sur l’être. C’est donc tout naturellement que l’on va tenter de biaiser un peu sa propre personnalité pour montrer une image de soi qui soit la plus idéale possible.  La chose compliquée lorsque l’on creuse au fond de soi et que l’on inclut cela dans ses textes, c’est qu’il faut parler des choses en y intégrant le moins de jugement possible. C’est comme un livre ouvert, le propre livre de sa vie.

Pour revenir à ton parcours, comment passe t-on d’une ferme de Caroline du Nord à la scène du Lido à Paris ?

La vie n’est faite que de hasards et, effectivement, ces hasards combinés les uns aux autres m’ont conduit jusque sur la scène du Lido à Paris. J’ai, comme tu l’as dit, grandi en Caroline du Nord et la plus grande ville à côté de chez moi, c’est Charlotte. Depuis mes années lycées, je fais de la musique et je jouais dans des bars. Là, j’ai rencontré un producteur européen qui m’a invité à venir me produire en France. J’ai découvert Paris et ça a été un véritable choc. Je me suis nourri de toutes les formes d’art que je voyais autour de moi et la vie parisienne m’a tant plu que je suis resté plusieurs années. Le Lido m’a permis de côtoyer de vrais artistes, énormément talentueux, chose dont on ne prend pas forcément conscience lorsque l’on vient voir le spectacle et que l’on est happé par la chorégraphie, par le spectacle en lui-même. Que ce soit les danseuses ou les musiciens, tout le monde à un niveau qui est juste incroyable. Jamais, en arrivant à Paris avec ma guitare sous le bras et en sortant du métro, je n’aurais pu imaginer jouer devant plus de mille personnes tous les soirs dans ce lieu si mondialement connu.

Tu es resté cinq années à Paris, que gardes-tu artistiquement de ces moments passés dans la Capitale ?

C’est si différent de la scène artistique que l’on peut avoir ici aux États-Unis ! Mes années à Paris m’ont donné une source d’inspiration tout à fait nouvelle car, forcément, on se nourrit de l’environnement visuel et culturel dans lequel on est immergé. Paris étant une ville très cosmopolite, l’inspiration est quasi universelle car on retrouve tant de cultures, de nationalités différentes que, forcément, on est plongé dans un univers qui est propice à l’inspiration, à la création.

Certaines choses t’ont marqué artistiquement plus que d’autres lors de tes années parisiennes ?

Oui, mais ce n’est pas forcément des choses auxquelles on pourrait penser de prime abord. Il y a par exemple un bar transformiste à Pigalle qui s’appelle Madame Arthur et j’ai trouvé l’énergie de ces performeurs sur scène vraiment fabuleuse. Aujourd’hui, le lieu a pas mal changé, fort de son succès je crois, mais les débuts de ce cabaret étaient tout simplement incroyables. Il y avait tellement de générosité, de courage, de couleur sur cette scène que j’ai trouvé ça vraiment dingue. J’ai également eu l’occasion d’écrire des textes pour des artistes français qui souhaitaient chanter en langue anglaise. J’ai été marqué par le perfectionnisme essentiellement visuel de tout projet artistique, chose que l’on retrouve finalement très peu dans le Sud des États-Unis dont je suis originaire.

Remplacer au pied levé Simon Carpentier, décédé à 27 ans d’un cancer, dans le groupe Her n’a pas dû être chose facile. Que gardes-tu de cette expérience pas forcément aisée à vivre ?

Je n’aurai jamais la prétention de dire que j’ai remplacé Simon qui était un artiste vraiment incroyable. Her, c’était le duo Victor et Simon et, personnellement, j’avais eu l’occasion de faire quelques collaborations avec Victor. Quand Simon est malheureusement décédé, Victor m’a proposé de chanter à sa place mais ce n’était franchement pas évident. Dans de telles conditions, tu essayes d’être un peu un autre tout en restant toi-même et la situation peut souvent paraître assez spooky (effrayante).

C’est d’ailleurs lors de ton passage au sien du groupe Her que tu as rencontré le batteur et producteur Mathieu Gramoli avec qui tu collabores aujourd’hui sur ton premier album solo ?!

Comme j’étais surtout impliqué dans les textes et le côté disons créatif de Her, je ne connaissais que peu les musiciens qui accompagnaient le groupe en tournée. Après, forcément, lors des concerts, j’ai appris à les découvrir en passant beaucoup de temps avec eux que ce soit dans le bus de la tournée ou bien encore dans les loges. Mathieu et moi nous sommes tout de suite retrouvés autour des mêmes références musicales et l’envie de faire de la musique ensemble est donc venue assez naturellement. Lorsque j’ai décidé de repartir vivre aux États-Unis, cela n’a pas été évident de tourner cette page de cinq années passées en France. Beaucoup de gens m’ont dit : « On viendra te rendre visite aux US et on fera des choses ensemble musicalement. » En définitive, seul Mathieu avec qui j’étais très proche est venu à Atlanta où je vis maintenant et est resté deux semaines à travailler avec moi en studio. Le groupe Her s’étant de fait totalement arrêté, on a donc décidé de monter ce projet avec Mathieu. Même s’il est retourné en France, on travaille ensemble chaque jour dans nos studios respectifs et on se fait des points réguliers sur l’avancement des morceaux.

On dit de toi que tu es à la croisée des chemins entre Jeff Buckley et Lenny Kravitz. Cela t’inspire quoi cette comparaison ?

Je n’aurai jamais la prétention de pouvoir ne serait-ce que toucher du doigt le talent incroyable qu’était celui de Jeff Buckley. J’ai par ailleurs remarqué que j’étais très attiré par des artistes disons audacieux qui n’ont pas peur de, sur scène, montrer leur différence. J’ai un faible tout particulier pour Prince, Freddie Mercury et Frank Ocean avec qui j’ai eu la chance de partager la scène lors d’un festival alors que je jouais avec Her. J’aime quand, comme on le disait, l’artiste n’est pas un cliché mais se met à nu et livre au public qui il est vraiment sans se cacher derrière des faux semblants.

Sur le single « Playing with Fire”, les arrangements sont très minimalistes, un peu en retrait même pour laisser toute la place à ta voix. C’était important de véhiculer avant tout l’émotion par les mots, par l’harmonie vocale ?

On s’est dit que c’étaient de belles prémices à l’album de proposer un premier single qui soit presque a cappella et qui donne au texte toute sa dimension. Cela participait au fait de mettre en relief le côté intime que j’ai souhaité mettre en exergue dans ce premier disque.

Ta voix, est-ce autant de l’inné que de l’acquis, fruit d’heures de travail ?

J’ai débuté en tant que guitariste au sein de plusieurs groupes. Ensuite, comme j’ai écumé seul les bars, j’ai dû me mettre à chanter par la force des choses. C’est à partir de ce moment-là que j’ai commencé à travailler un peu plus ma voix, à la façonner au fil des concerts. Je ne pourrais te dire le nombre de soirs que j’ai passés à me produire avec ma guitare ou derrière un piano dans des restaurants où tout le monde se foutait de ce que je faisais. J’ai été assez étonné par la suite lorsque les gens ont commencé à me dire qu’ils aimaient ma voix car, personnellement, je ne la voyais que comme un moyen de véhiculer ma musique.

Si tu devais définir en quelques mots ce futur premier album dont la sortie est prévue au début de l’année 2021 ?!

J’ai vraiment pensé cet album comme une confession. Je livre une partie de moi, de mon univers, de qui je suis, en espérant que les auditeurs seront sensibles au fait que je me sois ainsi mis à nu. On a voulu cet album comme une sorte de narration où chaque single serait un chapitre qui, tout en s’insérant dans la globalité du projet, soit unique. Nous avons donc pour idée de sortir quelques singles avant que l’album ne puisse effectivement être disponible au début de l’année prochaine. On a souhaité débuter avec « Playing With Fire » car ce morceau est à mon sens une très belle porte qui permet d’entrer dans tout cet univers que j’ai souhaité façonner en musique.

Alors que la France est partiellement sortie de cette crise de la Covid qui a paralysé le pays pendant plusieurs mois, les cas de personnes contaminées se multiplient aujourd’hui encore aux États-Unis. Quel est ton regard sur cette situation pour le moins anxiogène ?

C’est une situation très frustrante car on est dans le doute le plus total. Aux États-Unis, il y a un débat permanent entre ceux qui veulent vivre comme si la Covid n’existait pas et ceux qui suivent le message véhiculé par les médecins, les scientifiques. Aujourd’hui, nous n’avons hélas aucune visibilité et, alors que je devais présenter l’album en France, je ne sais pas quand il me sera possible de traverser l’Atlantique. On vit donc un peu, comme beaucoup, au jour le jour.

Kazuyuki Tanaka, l’inspiration à la Racine !
Anthony Denon, Serment chef !

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