Sport

Cyrille Diabaté, champion de free fight

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EntretienÀ bientôt 37 ans, le Champion du monde de boxe Thaï 1998, Cyrille Diabaté, est une légende hexagonale des sports de combat. Après une expérience outre-atlantique couronnée de succès en UFC (organisation américaine du Mix Martial Arts), « The snake » est revenu en Seine-Saint-Denis entraîner ses troupes et se préparer à son prochain combat le 16 octobre pour le compte de l’UFC 120. Entretien coup de poing !


“Lorsque tu connais la dureté des arts martiaux, tu fais tout pour éviter de te battre dans la rue.”

Après un titre de champion du monde de boxe thaï, qu’est-ce qui t’a poussé vers le free fight ?

J’ai toujours eu une très grande attirance pour ce sport, même lorsque je pratiquais la boxe thaïlandaise. Je suivais de prêt le MMA et les premiers UFC même si, à l’époque, le free fight n’en était qu’à ses balbutiements. Au début des années 90, c’est mon entraîneur Robert Paturel qui me procurait des cassettes vidéos des combats, j’étais déjà passionné ! Par la suite, je me suis concentré sur le free fight au début des années 2000. J’ai commencé par le Golden Trophy en 1997, un tournoi français dans les règles du pancrace (style de combat très complet qui permet des échanges aussi bien debout , comme en boxe, ou au sol, comme en lutte).

Quelles sont selon toi les raisons de l’engouement du jeune public pour le free fight depuis quelques années ?

Même pour les non-initiés qui ne sont pas habitués aux sports de combat, il faut avouer que le free fight est tout de suite très spectaculaire. Les combats sont d’une grande intensité et le fait de voir deux personnes face à face dans une cage fait forcément monter l’adrénaline. Peu à peu, malgré les réticences de certains, L’UFC a su médiatiser le phénomène et la fascination du public pour ce sport s’en est logiquement suivie. Selon moi, l’émission de télé réalité (Tough) a également grandement participé à faire exploser le phénomène auprès des jeunes générations.

Le free fight est pour certains une violence gratuite qui met en péril la vie des combattants. Comment définirais-tu ce sport pour les néophytes ?

Pour les détracteurs qui pointent du doigt le free fight en prétextant que c’est ultra-violent et dangereux pour la santé des combattants, il faut savoir que c’est le sport de combat où l’on recense le moins d’accidents graves. Il n’y a eu que trois décès depuis les débuts, c’est beaucoup moins qu’en boxe par exemple ! Les coups étant répartis sur tout le corps, on subit moins de gros traumatismes au niveau crânien et, dès que l’on perd connaissance sur un coup, l’arbitre met forcément un terme au combat. En boxe anglaise, on peut très bien subir trois K.-O. légers et repartir au combat avant 10 secondes si l’arbitre ne s’y oppose pas. Ce sont ces traumatismes à répétition qui peuvent fragiliser le boxeur et conduire au drame ! Personnellement, depuis le temps que je pratique le free fight, je n’ai eu qu’une fois la main cassée.

La cage, le sang, les blessures, le K.-O., les combattants de free fight sont un peu les gladiateurs du XXIe siècle non ?

Cet aspect jeux du cirque a forcément participé à faire la notoriété de ce sport, mais c’est aussi ce qui a limité son expansion. Pour les détracteurs du free fight, ce sport n’est qu’un combat de coqs, une lutte sans réelles règles, ce qui est totalement faux ! Heureusement, au fil du temps, les combattants sont devenus plus professionnels, mieux préparés, mieux entraînés… Et tout ce qui va autour des combats a suivi. Nous ne sommes pas des gladiateurs mais des compétiteurs, ce qui est différent. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la cage, elle, n’est pas un artifice mais l’endroit le mieux adapté pour ce genre de sport. Sa structure évite les blessures que l’on pourrait avoir sur un ring de boxe où les combattants seraient éjectés. On se plaît à présenter les combattants de free fight comme des êtres sanguinaires pour appâter la galerie. Personnellement, je ne ressens aucune animosité envers mes adversaires. Les sentiments comme la rage ou la colère sont de toute façon néfastes au combat quel que soit l’art martial pratiqué.

Le MMA regroupe tous les arts martiaux, peut-on maîtriser la technique pieds/poings comme la lutte au sol avec la même aisance ?

Non ! Venant de la boxe thaïlandaise, j’ai dû apprendre le sol. Pour cela, je suis redevenu débutant. Je me suis entraîné, je me suis fait casser la gueule, j’ai sué, j’ai souffert et… j’ai appris ! En sport de combat, il y a toujours plus fort que toi, alors rester humble est un point essentiel !

Peux-tu nous décrire une séance d’entraînement dans l’optique d’un combat comme celui qui va t’opposer à Alexander Gustaffson pour l’UFC 120 !

Pour un combat, je me donne deux mois et demi d’entraînement spécifique. Je visionne les combats de l’adversaire pour déterminer ses points forts et ses points faibles afin de cibler ma préparation. Au départ, je commence par le foncier afin d’accroître ma résistance physique. Je débute par des séances longues et à faible intensité, que ce soit pour le cardio, la musculation ou le sac de frappe. Petit à petit, j’augmente le rythme en réduisant le temps d’entraînement. C’est ce qui me correspond le mieux pour préparer un combat. Il faut dire que je gère ça tout seul puisque je n’ai pas d’entraîneur, juste un préparateur physique qui m’épaule pour le foncier. En ce moment, je joue au basket pour me vider l’esprit. Il faut savoir décrocher de temps à autre afin de ne pas griller toute son énergie et sa motivation.

Penses-tu qu’un tel sport puisse être une école de la vie pour les enfants ?

Les arts martiaux sont la meilleure école de la vie. Ils transmettent des valeurs essentielles, un respect d’autrui. Il n’y a aucune comparaison avec un autre sport ! On apprend à affronter les épreuves dans la dureté et non dans la facilité, pas en faisant du golf ! La discipline, le sens du sacrifice, l’abnégation sont des valeurs qui s’acquièrent en souffrant, en saignant, en transpirant, en prenant des coups. Ça fait un peu cliché de dire que la vie est un combat, mais c’est la réalité. Il faut souvent se surpasser comme sur un ring. Si je devais aller dans une école parler avec des enfants, je ne leur dirais pas de s’inscrire tout de suite dans un club de sports de combat, mais je leur expliquerais ce que ça m’a apporté. Si je n’avais pas trouvé ce moyen pour extérioriser des choses enfouies au plus profond de mon être, j’aurais forcément suivi un autre chemin de vie. Le free fight a été pour moi une psychanalyse par les poings et les pieds.

Quel est le regard d’un combattant comme toi sur les violences gratuites de notre société ?

Je pense que cela n’arriverait pas si ces gens étaient passés par l’école de vie des sports de combat. Je sais ce qu’est la vraie souffrance, contrairement à ceux qui jouent les caïds en se battant dans la rue. Celui qui tabasse un mec à mort aurait pu ouvrir la soupape bien avant grâce aux sports de combat. Il faut savoir que les « lascars » ne restent pas dans une salle s’ils sont guidés par l’animosité. On ne devient pas fort tout de suite en bombant le torse comme ces mecs-là aiment le croire. Apprendre, ça se mérite et lorsque tu connais la dureté des arts martiaux, tu fais tout pour éviter de te battre dans la rue.


Jean-Éric Ougier, pyrotechnicien

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