Société

Mehdi, la course aux courses

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À l’annonce des mesures du confinement décrétées par le président Macron, la population, prise de panique, s’était ruée en masse dans les supermarchés afin de faire le plein de provisions laissant, pour un temps, les rayons de pâtes, farine ou autres papiers toilettes désespérément vides. À l’approche d’un retour progressif à une vie normale, espérons que les leçons de cette période tout aussi unique qu’étrange seront retenues. Sans le travail des caissières, jusqu’alors dans l’ombre, point de vie ! Les clients du supermarché que gère Mehdi dans une petite ville du Sud de la France l’ont bien compris et félicitent aujourd’hui une profession longtemps ignorée. Souhaitons que nos chers concitoyens ne soient pas sujet à l’amnésie


« J’ai déjà entendu une maman dire à sa fille : « tu vois il faut que tu travailles à l’école sinon tu seras caissière comme la dame ! » J’aimerais ne plus être confronté à cela ! »

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Lorsque le gouvernement a décidé le confinement avez-vous dû faire face à une population prise de panique par une éventuelle pénurie et qui s’est massivement ruée pour acheter des denrées de première nécessité ?

Il n’y a pas eu de panique à proprement parlé, mais les gens se sont effectivement rués dans le supermarché pour faire du stock de produits de première nécessité. Beaucoup de pâtes, de riz, papiers toilettes… On sentait une véritable incertitude quant à la durée du confinement qui, d’ailleurs, n’a cessé d’augmenter. On n’a heureusement pas eu à déplorer, comme on a pu le voir à la télévision, des gens qui se battaient pour des rouleaux de papiers hygiéniques mais il est sûr que les caddies étaient bien plus remplis que d’habitude. Certains disaient même : « On va tenir un siège ! »

Avez-vous dû revoir à la hausse l’approvisionnement du magasin ?

Dans les premiers jours, le magasin a été quasiment vidé. Il a donc fallu passer d’énormes commandes afin de rattraper le retard que l’on avait au niveau des stocks. On a connu en parallèle des problèmes d’approvisionnement sur certains produits. Notons que les habitudes alimentaires ont vraiment changé du jour au lendemain ! Tous les produits « snacking » par exemple ne se sont plus du tout vendus. Les gens se tournaient vers des aliments pour cuisiner, du lait au sucre en passant par le sel ou bien encore la farine.

Le confinement, c’est un budget « courses » qui grimpe en flèche. Rencontrez-vous des personnes qui doivent jongler entre nourrir leurs familles et comptes bancaires dans le rouge ?

On a la chance d’être dans une région où le pouvoir d’achat est assez élevé donc on n’a pas trop rencontré ce genre de cas. Par contre, les clients nous expliquaient à quel point leur budget courses avait explosé. Plus de cantine, de restaurants d’entreprises ou de proximité, tous les repas se déroulaient désormais à la maison. Et forcément, pour les familles nombreuses, cela a eu un impact pour le moins important sur leur budget.

Quelles ont été les dispositions prises par le magasin pour assurer la sécurité des clients face à cette épidémie de Covid ?

Nous avons débuté par les marquages au sol en caisse afin de pouvoir faire respecter les 1 mètre de distance entre les clients. Des plexiglass ont été installés au niveau des caisses. Tout le personnel a été équipé de gants, de gel hydro alcoolique, de masques… On désinfecte les caisses, les caddies. Nous avons la chance de ne pas être un très gros supermarché ce qui fait que nous n’avons pas un gros volume de clients, mais comme le magasin est assez petit (500 m2) nous avons dû réguler les entrées.

Votre système de livraison à domicile a-t-il dû s’adapter afin de pouvoir répondre aux demandes des personnes qui ne peuvent ou n’osent plus sortir de chez elle ?

On a mis deux choses en place. Nous avons effectivement développé nos services de livraisons afin de répondre aux besoins des personnes qui ne pouvaient se déplacer. Pour cela, tous les livreurs étaient gantés, masqués et ne rentraient pas dans les habitations de façon à éviter tout contact et donc, risque de contamination. Nous avons également improvisé un drive. Comme nous ne possédons pas de site Internet, les clients nous envoyaient des mails et nous préparions leurs commandes qu’ils venaient ensuite récupérer sur le parking ; On a dû s’adapter !

Quel impact cette crise a-t-elle eu sur le chiffre d’affaires du magasin au mois de mars et avril ?

La station-service a été quasiment mise à l’arrêt, les gens ne circulant plus ou alors très peu. Le chiffre d’affaires du magasin quant à lui a effectivement explosé. En tant que commerce de proximité, on a vu arriver de nouveaux clients plus habitués aux gros hyper ou supermarchés mais qui, en cette période, privilégiaient les magasins alimentaires de moyenne surface. À partir de la deuxième semaine de confinement, on a également vu une entraide se mettre en place. Les gens venaient acheter pour eux, mais aussi pour leurs voisins qui ne pouvaient pas se déplacer.

Ce confinement aura en effet au moins permis de revenir à une idée d’entraide collective ?!

J’ai effectivement trouvé que de belles choses naissaient au niveau de la solidarité. Certains ont fabriqué des masques et les ont distribués gratuitement. Sur les réseaux sociaux, on a pu constater que les gens créaient des groupes afin de pouvoir s’entraider. Il y a eu de très belles initiatives !

Depuis aujourd’hui, le confinement laisse place au déconfinement. Vous allez maintenir une procédure particulière pour l’accès à votre magasin afin d’éviter qu’un trop grand nombre de personnes ne se retrouvent en même temps dans l’enceinte de votre supermarché ?

On va rester sur les mêmes bases de sécurité pour les clients comme pour l’équipe en attendant les directives des préfets qui nous diront si l’on doit adapter certaines consignes. Les principes de précautions ont visiblement pour l’instant fonctionnés donc, on ne change rien !

Certains de vos fournisseurs sont-ils en difficultés en raison d’un manque de main d’œuvre ?

On doit faire face à des pénuries de produits comme, encore aujourd’hui, la farine par exemple. Pour certaines denrées, cela ne dépend pas uniquement de la production, mais plutôt de l’emballage car les sociétés qui assuraient cette partie du process sont à l’arrêt. Certains industriels ont décidé de faire tourner leurs chaines de production 24h/24 mais, malgré cela, certaines références manquent. Disons qu’aujourd’hui, on peut trouver presque de tout dans le magasin mais que le choix, lui, concernant les produits, est limité.

On salue aujourd’hui, entre autres, les caissières qui jusqu’alors étaient dans l’ombre. Vous personnel a-t-il peur de la contamination et certains ont-ils opté pour l’arrêt maladie ?

J’ai la chance d’avoir une équipe au top. Je n’ai pas voulu travailler dans la peur donc, pour l’équipe comme pour les clients, j’ai mis le maximum de choses en place au niveau de la sécurité afin que cette bonne ambiance qui régnait dans le magasin avant la crise du Covid ne disparaisse pas. La reconnaissance des clients, on la constate de plus en plus au fil des jours et, forcément, cela fait plaisir. Encore hier, une enfant avait fait des dessins et les a donnés à une caissière. Ce sont toutes ces marques d’attention que l’on ne voyait pas auparavant. On entend également souvent : « Merci d’être là ! », ce qui n’arrivait jamais auparavant.

Vous espérez que cette attitude va perdurer et que l’on oubliera les caissières justement après ce confinement ?

Je le souhaite sincèrement. Cela fait une dizaine d’années que je travaille dans la grande distribution. J’ai déjà entendu une maman dire à sa fille : « Tu vois il faut que tu travailles à l’école sinon tu seras caissière comme la dame ! » J’aimerais ne plus être confronté à cela ! Alors, oui, espérons que les gens ne seront pas amnésiques une fois l’épidémie passée. On va d’ailleurs mettre en place une prime amplement méritée afin de remercier toutes celles et ceux qui ont continué à travailler malgré le risque de contagion.

À titre personnel, comment vivez-vous cette situation unique qui est celle que nous traversons actuellement ?

Je suis soucieux concernant l’avenir des indépendants, les petits commerçants, les intérimaires, les restaurants, l’hôtellerie… Je pense qu’il va y avoir beaucoup de casse économiquement parlant avec bien des secteurs qui vont avoir un mal fou à se relever de cette crise. Paradoxalement, je suis confiant concernant la capacité d’adaptation des personnes face à la crise et ne peut que saluer la solidarité que cette situation exceptionnelle a engendrée. Des choses vont changer forcément, mais cette crise aura au moins eu le mérite de faire réfléchir sur la nature humaine, le comportement des gens. La suite est un grand point d’interrogation car, aujourd’hui, on navigue à vue. Il peut sortir du bon de cette période unique, mais cela va être long !


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Mike Stern, le bureau des légendes

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