Environnement

Gendarme Meyer, secouriste en haute-montagne

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Crédit photo : SIRPA GENDARMERIE / Pascaline Labarrère


Entretien Eté comme hiver, les membres des PGHM (pelotons de gendarmerie de haute montagne) assurent la sécurité des randonneurs, alpinistes ou skieurs. De la simple entorse à la chute mortelle, ces gendarmes de l’extrême mettent leurs vies en danger pour sauver celle d’autrui. Alexandre Meyer, 26 ans, basé à Jausiers (Alpes-de-Haute-Provence), nous livre les coulisses de ce métier qui a tout du sacerdoce. En piste !


« Même si l’on sait que l’on va être confronté à la mort, il est impossible d’anticiper sa réaction »

En 1958, une loi montagne est mise en place et une circulaire confie aux préfets la responsabilité des secours. Les choses ont largement évolué depuis !

Effectivement ! En fait tout est parti en 1956 de la tragique disparition de deux jeunes alpinistes, Vincendon et Henry dans le massif du Mont-Blanc. Ils ont succombé après 10 jours d’agonie. Ces deux alpinistes ont été victime de la non structuration des secours. Ce drame a ému la population et, à partir de là, des mesures ont été prises. Depuis la création d’une organisation visant à améliorer les secours, la montagne est devenue de plus en plus accessible, été comme hiver. Les domaines skiables se sont multipliés, les randonnées, le parapente, le VTT… Toutes sortes d’activités sportives qui, forcément, entraînent parfois des accidents, ont vu le jour. La structure des équipes de secours a elle aussi évolué. Au départ, la sélection pour faire partie d’une unité se faisait sur dossier. Aujourd’hui, il s’agît de concours et il est demandé un niveau presque équivalent à celui d’un aspirant guide.

Justement, comment devient-on membre du PGHM ?

Il faut tout d’abord être sous-officier de la gendarmerie. Ensuite le CNISAG (Centre National d’Instruction de Ski et d’Alpinisme de la Gendarmerie) permet de se spécialiser. Un test sur 3 jours est mis en place lors de ces 12 mois d’école pour les élèves qui prétendent rejoindre un PGHM. Il y a trois qualités requises essentielles. Tout d’abord avoir des notions judiciaires et administratives propres à la montagne, avoir un bon physique et une technique sûre. Pour le physique, nous sommes évalués sur différents critères. Une course d’orientation longue et avec un fort dénivelé, du ski de randonnée, de descente, de l’escalade sur roche et cascade de glace. A terme, tous les membres des PGHM sont amenés à passer, en parallèle de leur métier de gendarme, un diplôme de guide de haute montagne.

Qu’est-ce qui vous a poussé vers cette voie professionnelle ?

Gendarme, secouriste et montagnard. Regrouper cela en un seul métier, voilà ce qui m’a donné envie de me diriger vers le PGHM. J’ai toujours fait du sport même si je n’ai connu la montagne que vers 17 ou 18 ans. Bien vite, c’est devenu une passion et gendarme en haute montagne était à mes yeux la voie naturelle. On pense qu’une fois le secours effectué, la mission est terminée. C’est oublier l’autre partie du métier. Nous devons ensuite enquêter et rédiger un procès verbal après chaque intervention afin de déterminer s’il y a eu imprudence, faute professionnelle, matériel défectueux… Dès que l’alerte est donnée, c’est tout un processus qui s’enclenche !

Avalanche, froid, la montagne fait peur l’hiver, mais la moitié des accidents se produisent en été ! Quelles sont les règles de sécurité indispensables à suivre avant de partir en haute montagne ?

La règle de base qui nous incombe à tous, c’est l‘humilité face à cet élément naturel. Il faut diviser les risques en deux parties distinctes : les facteurs objectifs comme la forme physique, le potentiel technique de la personne qui s’aventure en montagne et les facteurs subjectifs comme la météo, le matériel nécessaire, l’état de la neige ou de la roche… Bien évidemment ces facteurs ne sont pas les mêmes si l’on part pour une simple randonnée ou pour plusieurs jours d’alpinisme en très haute montagne. Pourtant tout le monde doit en tenir compte ! Ensuite, il y a des règles de base à respecter. Il ne faut surtout pas aller au- delà de ses compétences, il est essentiel de prévenir de son départ, du trajet que l’on va prendre, de se renseigner sur la météo, de partir avec un fond de sac (à manger et à boire), un téléphone portable, un coupe-vent, une carte ou un GPS et une trousse de secours. En hiver, pour ce qui est du ski de randonnée, il est impératif de respecter le triptyque (pelle, sonde, ARVA), se renseigner sur les conditions du manteau neigeux et préparer en amont son périple, quel qu’il soit !

Hormis les chutes, quelles sont les principales raisons pour lesquelles les personnes parties en montagne font appel au PGHM ?

À Jausiers, dans les Alpes de haute Provence, on voit vraiment de tout. De l’entorse de la cheville à l’accident de parapente en passant par le malaise ou la chute d’une paroi rocheuse, tout est possible. Ce massif est très polyvalent donc propice à de nombreuses activités. Il y a en permanence deux gendarmes de garde en alerte qui travaillent en collaboration avec le pilote d’hélicoptère et le mécanicien qui, eux, font partie de la SAG (section aérienne de la gendarmerie).

Combien de temps s’écoule t-il en moyenne entre l’alerte et le décollage de l’appareil ?

A l’hôpital, nous avons un médecin du SAMU local habilité à la montagne qui se trouve en alerte. Au moment du départ, dans l’hélico, il y a donc le pilote, le mécanicien, les deux membres du PGHM et le médecin. Pour réunir tout le monde et faire le briefing avec les gens du 112 qui nous contactent, je dirais qu’il faut environ 15 minutes… 15 minutes, donc, entre le moment où l’alerte est donnée et notre départ.

Lorsque l’on est membre d’un PGHM, on est malheureusement confronté à la mort. Comment arrive t-on à gérer cette facette du métier ?

Même si l’on sait que l’on va forcément être confronté à la mort avant de rejoindre un PGHM, il est impossible d’anticiper sa réaction. Lorsque l’on souhaite de tout cœur faire ce métier, on est sûr d’aimer la montagne et le secourisme. Après, face à la mort, la détresse des personnes, seule l’expérience peut vous aiguiller. Une chose est certaine, on ne s’y habitue jamais ! Ensuite, c’est très différent d’aller chercher un blessé qui décède après que l’on ait tenté de le ranimer et partir en mission pour aller chercher le corps d’un alpiniste ou d’un randonneur qui a fait une chute de 300 mètres ! Lors d’une phase de secours, il y a toujours beaucoup d’adrénaline car nous sommes souvent confrontés à des conditions extrêmes. Par n’importe quel temps, lorsqu’une alerte est donnée, on se rend sur place. C’est d’ailleurs souvent à posteriori que l’on réagit. Pendant la mission, seule la concentration compte. Après, si l’on a malheureusement assisté à la mort d’une personne, les collègues sont toujours là pour vous parler et vous aider à surmonter cet événement.

Y’a t-il une mission particulière, un sauvetage qui vous reste à l’esprit ?

Il n’y a pas de grands ou de petits sauvetages. A chaque fois, c’est une expérience forte. C’est rapide, et nous sommes très peu au contact de la victime, la rapidité d’exécution étant primordiale pour celle-ci. Pourtant, pendant ce laps de temps, il se passe des choses d’une force inouie. Des mots comme « merci » ou « désolé » prennent tout leur sens, des regards emplis d’émotion, des expressions du visage qui en disent long, ce sont des moments émotionnellement puissants que les mots seuls ne peuvent décrire.

Partir en montagne sans respecter les règles élémentaires de sécurité est un acte très dangereux qui met également en péril la vie des sauveteurs (46 gendarmes sont décédés dans l’exercice de leurs missions). Pensez-vous que les « inconscients » devaient être punis ?

Si un guide ou un professionnel de la montagne commet une faute qui met en péril la vie des personnes sous sa responsabilité, il sera poursuivi. Par contre, un individu parti seul et sans respecter les règles de sécurité de base s’en tirera avec un sermon. C’est un vaste débat, mais même en pensant à mes camarades disparus, le problème paraît trop subjectif pour être résolu. Il est souvent très difficile de juger si une personne a pris des risques inconsidérés. Alors sa seule punition sera de l’ordre moral ! Mon point de vue sur la question va certainement évoluer avec le temps, au fil des missions, mais pour l’instant je ne me focalise que sur le fait de secourir des personnes en danger quelles que soient les raisons de leur appel au secours.


Jean-Éric Ougier, pyrotechnicien

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