Environnement

Colomba de la Panouse, directrice adjointe du parc de Thoiry

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Entretien En mai 1968, âgé seulement de 24 ans, le Comte de La Panouse relevait un merveilleux défi. Sauver le patrimoine familial, son château et ses terres, en ouvrant le premier « safari » Parc hexagonal. Depuis quarante ans, Thoiry, troisième site touristique d’Île-de-France, est devenu une référence où plus de 20 millions de visiteurs en cage, au volant de leurs voitures, sont venus contempler de sublimes pensionnaires en liberté. Colomba de La Panouse, fille du Comte et directrice adjointe du parc, a reçu Agents d’entretiens pour sensibiliser les grands comme les petits à l’importance du respect de l’environnement et de ses habitants à quatre pattes. Une visite guidée riche en émotions au cœur du monde animal et végétal, quelques jours avant le début des travaux d’une grande arche de Noé dédiée aux batraciens et autres amphibiens qui verra le jour en 2012.


Il semble que, depuis une dizaine d’années, les zoos où les animaux s’agglutinaient dans de petites cages aient laissé place à des parcs animaliers où l’espace et la protection de l’espèce sont au cœur des préoccupations. C’est une évolution essentielle !

Thoiry, dès le départ, a été basé sur les grands espaces pour les grands mammifères. C’est vrai que cela nous a semblé essentiel que les animaux soient au plus proche des conditions de vie qui sont les leurs dans le milieu naturel. Respect de l’environnement et protection des espèces étaient, à la création du parc, les maîtres mots du Comte de La Panouse. Au départ, nous étions focalisés uniquement sur les grands mammifères, mais nous débutons la semaine prochaine la construction d’une arche (l’arche des petites bêtes) destinée aux amphibiens (grenouilles, crapauds, salamandres, tritons…), mais aussi aux invertébrés terrestres et marins. On le sait peu, mais il s’agit là de la classe d’animaux la plus menacée actuellement. Ce sont des espèces extrêmement sensibles car elles respirent par la peau ; la pollution de l’air et de l’eau leur est donc fatale.

La protection des espèces est le leitmotiv des parcs animaliers. Mais qu’en est-il de la réintroduction des espèces dans leur milieu naturel ?

Pour les grands mammifères, c’est surtout pour les herbivores que nous pouvons réaliser une réintroduction dans la nature. Et encore, cela concerne essentiellement les bovidés comme les antilopes, les bisons d’Europe qui font partie d’une réintroduction sur le terrain, les oryx… Pour ce qui est des félidés, la mission est très compliquée, même lorsque l’on dispose de grands espaces comme à Thoiry. Les animaux ne chassent pas, et même si l’on fait tout pour ne pas les apprivoiser, ils perdent peu à peu la peur de l’être humain. Survient alors, dans l’hypothèse d’une réintroduction en milieu naturel, la problématique d’empêcher les félidés d’arriver jusqu’aux villages. Si les parcs zoologiques veulent s’impliquer sur le terrain, il faut donc qu’ils s’intéressent aux petites espèces.

Le Parc de Thoiry est avant tout une affaire de famille. Pouvez-vous nous rappeler comment est né ce lieu magique ?

Mes grands-parents, qui vivaient un peu dans un autre monde et n’avaient pas franchement la conception d’une bonne gestion économique, vendaient beaucoup de terres et de biens pour combler le déficit de l’entretien du domaine. Est arrivé un moment où s’est posée la question de la vente du château. Mon père, le Comte de La Panouse, avait à l’époque 21 ans et a voulu à tout prix éviter que ces biens qui appartenaient depuis 400 ans à la famille ne soient vendus. En 1966, il a donc ouvert le château au public, mais, avec Versailles à un peu plus de dix kilomètres, la concurrence était plus que rude ! Il voulait concevoir quelque chose qui plaise aux enfants sans pour autant dénaturer la beauté du site. Mon père a alors pensé aux animaux car des safaris parcs tels que Thoiry existaient déjà outre-Manche. En France, c’était quelque chose de tout à fait nouveau, surtout que mon père voulait faire cohabiter plusieurs espèces ensemble. À l’époque, il a été énormément critiqué par des personnes du muséum qui ont dit que les animaux allaient s’entretuer dans de telles conditions. En fait, tout est une question de distance et, en respectant cela, nous n’avons jamais eu de difficultés à faire cohabiter les animaux entre eux. Les seuls que l’on sépare sont les hypotragues, car les mâles sont très agressifs. À part cela, nous laissons beaucoup cohabiter les uns avec les autres. Au départ, mon père avait fait venir d’Allemagne des curateurs afin de former tout le personnel à s’occuper des animaux.

Les animaux étaient-ils au départ une passion pour la famille de La Panouse ?

Non, je n’ai pas le souvenir, étant petite, d’animaux au sein du château ! Je crois que l’idée première de mon père était de sauver un patrimoine familial, puis il a découvert le monde animal pour lequel il s’est bien vite passionné.

Au-delà des animaux, les parcs animaliers doivent-ils être selon vous des « bulles » de protection de l’environnement ?

J’avais très à cœur depuis déjà quelques années que l’on soit cohérent par rapport au fonctionnement même de l’entreprise. Si, d’un côté, on a dans le parc des orangs-outans, que l’on soutient le programme d’aide à ces animaux et que, d’un autre côté, on a dans nos bureaux du mobilier en teck, on ne serait pas très cohérent ! Donc, pour cette vision globale, on a commencé à mettre en place un système de management environnemental. Pour moi, tout cela est indissociable. On ne peut protéger les animaux sans protéger leur milieu naturel et donc l’environnement. Nous avons actuellement un grand projet pour développer une station de biométhanisation en 2013 qui fournirait au minimum 76 % de notre chauffage. Si l’on ajoute des chaudières bois, on pourrait atteindre 94 % de nos besoins en chauffage. On fait de la biométhanisation pour produire de l’électricité, et le chauffage n’est qu’un déchet de ce procédé. Nous pourrions donc revendre avec notre partenaire l’électricité à EDF et garder la chaleur qui en découlerait pour le parc. Je pense que l’avenir passe inévitablement par l’utilisation d’énergies nouvelles.

Comment gère-t-on la reproduction des animaux en milieu clos ?

Cela dépend des espèces ! Les espèces menacées font parties d’un programme d’élevage européen. Chaque programme est géré par un coordinateur et un comité formé de personnes spécialisées sur telle ou telle espèce. Ce coordinateur va décider que tel mâle ira dans tel zoo pour se reproduire avec telle femelle. Les petits seront ensuite placés ici ou là, selon sa décision. C’est en somme lui qui gère la génétique de la population afin d’éviter au maximum les problèmes de consanguinité. C’est également lui qui gère le programme de réintroduction dans le milieu naturel : il faut savoir quels animaux sont les plus sains afin d’éviter de propager un virus quelconque, les plus performants, ceux qui ont le plus de chance de survie… Il y a tout un tas de paramètres à respecter qui font que la réintroduction n’est pas toujours considérée comme la meilleure solution. Si c’est pour envoyer l’animal à une mort certaine, cela ne sert absolument à rien !

Quelle est la part des visites pédagogiques au sein du parc ?

Elle est indispensable et très présente. Dans le parc à pied, il y a une signalétique qui apporte aux visiteurs pas mal d’informations. Nous avons des cabanes pédagogiques qui traitent de thématiques particulières, comme l’alimentation, la conservation… Pour les groupes scolaires, nous mettons à disposition des dossiers pédagogiques pour les instituteurs afin de faire travailler les enfants. Il y a également une responsable pédagogique à plein-temps qui propose des ateliers aux classes durant toute l’année.

Pensez-vous justement que l’éducation pour la protection des espèces devrait se faire dès le plus jeune âge ?

Sans aucun doute ! La fonction première des parcs zoologiques est selon moi son rôle pédagogique. Très honnêtement, vue que ce que cela coûte de maintenir en captivité un animal, on ferait beaucoup plus avec la même somme dans les pays du tiers-monde. Notre rôle premier est donc d’expliquer au public l’importance de sauvegarder les espèces animales et leur environnement.

Les visiteurs respectent-ils facilement les règles de sécurité au sein du parc ?

On donne aux visiteurs du parc les consignes de sécurité que, malheureusement, ils ne respectent pas toujours ! Par exemple, les gens donnent à manger aux herbivores, ce qui est formellement interdit. Hélas, on ne peut pas être tout le temps derrière tout le monde. Certaines personnes ont tendance à penser que, parce qu’ils ont payé l’entrée du parc, tout est permis ! Ils oublient que s’il y a des règles à respecter, c’est pour leur sécurité comme pour celle des animaux. Nous avons connu aussi de nombreux problèmes avec les lions : certaines personnes inconscientes essayaient de descendre de voiture pour se faire prendre en photo, sans réaliser qu’elles jouaient là avec leur vie. Afin d’éviter tout problème, depuis cet été, nous avons basculé la visite des lions par le parc à pied et un tunnel en verre qui passe dans leur enclos. Cela permet d’être au cœur des félidés sans aucun danger !

« Un jour, un homme a voulu se suicider en s’offrant comme nourriture aux lions »

Il est déjà arrivé que des gens sortent de voiture au milieu des lions ?

Nous avons eu en effet une péripétie assez mouvementée, il y a de cela une vingtaine d’années. À cette époque, il y avait un employé du parc un peu trop porté sur l’alcool. Nous avons dû hélas le licencier au bout d’un moment, mais comme il était gentil et que tout le monde l’aimait bien, nous lui avions mis à disposition un bungalow dans le parc afin qu’il puisse y loger. Un jour, un homme a voulu se suicider en s’offrant comme nourriture aux lions. Pour orchestrer son geste, il a contacté notre ancien employé afin que ce dernier prenne des photos et immortalise son suicide. Il avait également prévenu des journalistes en annonçant qu’il allait mettre fin à ses jours au milieu des lions. Heureusement, les journalistes ont eu la présence d’esprit de nous prévenir. Mon père a donc envoyé deux voitures et des fusils hypodermiques au cas où. À l’heure dite, on a vu arriver la voiture de notre employé et son passager qui est sorti du véhicule en enlevant sa chemise et s’est dirigé vers les lions. Heureusement, les deux voitures se sont ruées sur lui, et nous avons pu le sauver des griffes des félins.


Jean-Éric Ougier, pyrotechnicien

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