Art

Romain, tatoueur

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Skate, musique, tatouage, illustrations, Romain, 33 ans, est un touche-à-tout aux multiples talents. Cet autodidacte s’est posé depuis cinq ans rue de Douai à Paris, chez l’un des maîtres du tatouage mondial, Tin Tin. L’homme nous livre ses impressions sur un art ancestral devenu un ornement corporel en vogue. À vos aiguilles !


Comment reconnaît-on un bon tatoueur ?

Il faut tout d’abord bien évidemment être bon dessinateur! Personnellement, j’ai commencé à l’âge de 15 ou 16 ans à dessiner pour un tatoueur du Mans, d’où je suis originaire. Ensuite, j’ai fait mes armes à Paris avec un copain en réalisant de petites pièces. Il faut apprendre à manier les aiguilles et cela ne s’acquiert pas du jour au lendemain. Un tatoueur a pour modèle un corps avec ses formes, ses courbes, ses os. Cela change de la feuille de papier ou de la toile. Un tatouage de qualité se reconnaît donc, outre la qualité du dessin, dans l’aptitude du tatoueur à suivre les courbes du corps de son modèle de façon harmonieuse. Il y a tellement de mecs qui font de la merde qu’il est quand même important de se renseigner lorsque l’on décide de se faire dessiner sur le corps quelque chose d’indélébile. Lorsque tu achètes une voiture, tu te documentes avant. Tu te procures des magazines spécialisés, tu regardes les critiques sur le net. Pour choisir son tatoueur, il faut faire la même chose !

Peux-tu nous expliquer la technique du tatouage à proprement parler !

C’est un peu comme le peintre qui va avoir un crayon pour réaliser ses esquisses, un pinceau fin pour les lignes et une brosse pour les aplats et les mélanges de couleur. En tatouage, nous avons des aiguilles que l’on appelle des liners (plusieurs aiguilles soudées entre elles) pour faire des traits et le magnum qui sont des aiguilles qui font comme une sorte de peigne et qui vont servir à remplir le tatouage et à faire des dégradés. L’encre se fixe dans la couche basale qui est la couche superficielle du derme.


Pourquoi pas aussi se faire tatouer une fourchette ou une tête de porc si demain cela devient à la mode !


À l’origine, le tatouage racontait une histoire, une appartenance à un clan. Ne penses-tu pas qu’aujourd’hui, la symbolique du tatouage a perdu cette dimension pour n’être plus qu’un artifice visuel ?

Ce n’est pas plus mal ! Aujourd’hui, le tatouage est un peu plus reconnu comme de l’art et il était temps ! En Polynésie, le tatouage était une cérémonie pour symboliser le passage à l’âge adulte, mais il n’y a pas de rituel de la sorte en Europe. Donc, on se fait tatouer parce que c’est esthétique. Il y a bien sûr ceux qui se croient en banlieue de Los Angeles et jouent les durs en se faisant tatouer des bazookas ou des kalash. Des bad boys de pacotilles ! Il est important de réaliser un tatouage en osmose avec son vécu plus que de suivre une pseudo mouvance comme la mode du tribal ou de l’étoile actuellement. Si l’objectif est de se retrouver sur la plage avec le même motif que tous les autres, où est l’intérêt ? Pourquoi pas aussi se faire tatouer une fourchette ou une tête de porc si demain cela devient à la mode !

Combien faut-il compter financièrement pour un tatouage ?

C’est très variable. Pour un bras complet, il faut compter en moyenne une vingtaine d’heures de travail voire plus donc entre 2500 et 4000 euros. Pour un dos, cela dépend si c’est un zoom sur une pièce bien précise ou quelque chose de minutieux et très détaillé. Le tatouage peut donc s’étaler entre quinze et cinquante heures, sachant qu’en moyenne une heure de tatouage coûte 150 euros.

Aujourd’hui, on constate de plus en plus de corps tatoués. Le fait que de nombreux « people » (sport, musique…) soient tatoués a t-il influé, selon toi, sur la jeune génération ?

Si tu montes une marque de fringues et que tu souhaites te faire connaître le plus rapidement possible, le meilleur moyen est de faire porter tes créations par quelques people. Tu peux être sûr qu’en un rien de temps, cela va décoller. Aujourd’hui, les footballeurs, les acteurs, les chanteurs qui se font tatouer permettent aux gens de franchir le cap avec moins de crainte parce qu’ils suivent un certain effet de mode. Cela permet de sortir du cliché : le tatouage est réservé aux voyous ! Le revers de la médaille, bien évidemment, c’est que ce phénomène de mode permet à des tatoueurs qui font de la merde d’avoir pignon sur rue en ouvrant leur boutique.

Dans ton quotidien, tu reçois des banquiers comme des chefs d’entreprise. Qu’as-tu pensé du rapport qui décrivait les personnes tatouées comme des marginaux, instables ?

C’est vraiment du grand n’importe quoi. Lorsqu’on se dit que ces personnes sont censées être des têtes pensantes de notre pays et qu’ils sortent de telles aberrations ! On est encore et toujours dans les stéréotypes. Le banquier est un homme bien qui porte des costumes et a un VRAI métier, il ne peut pas être tatoué ! J’ai personnellement tatoué des personnes de cette profession aux deux bras et cela ne les empêche aucunement de bien faire leur métier. Les tatouages ont été importés en Europe par les marins qui voyageaient et se faisaient couvrir d’encre au gré des différents pays où ils passaient. En prison, les mecs se servaient d’aiguilles et, hélas, tous ces clichés demeurent encore aujourd’hui !

On oublie souvent que le tatouage est un acte qui doit suivre des règles d’hygiène strictes. Quels sont les points essentiels que doit respecter un tatoueur ?

En France, il faut savoir que l’hygiène concernant le tatouage est réglementée depuis peu. Le SNAT (Syndicat National des Artistes Tatoueurs) et surtout Tin Tin ont énormément oeuvré en ce sens. Sur Paris, du moins, je dirais que désormais les tatoueurs qui ont pignon sur rue respectent les mesures d’hygiène. On utilise soit du matériel stérile à usage unique soit un autoclave pour stériliser les appareils. Ensuite, pour la boutique proprement dite, tu nettoies tout, tu recouvres la table d’une protection, tu te sers toujours de gants et tu jettes tout après chaque client ! C’est comme chez un dentiste.

As-tu des demandes de tatouages particuliers ?

Oui ! Hélas certains viennent nous voir pour des motifs ayant rapport au nazisme et là, c’est no way ! Ils dégagent rapidement de la boutique. Après, tu as toujours les types qui veulent se faire tatouer le prénom de leur copine sans réfléchir au lendemain. On tente de les en dissuader et lorsqu’ils changent de nana, ils reviennent nous voir !

Pour prendre rendez-vous avec toi si on veut se faire tatouer !

Il faut compter au minimum trois mois de délai. Je pourrais booker sur du plus long terme, mais cela ne sert à rien. Maintenant, je ne prends plus que des pièces intéressantes à réaliser.


Jean-Éric Ougier, pyrotechnicien

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