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Gilbert Gruss, directeur du cirque Arlette Grusss

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EntretienEn 25 ans d’existence, le cirque Arlette Gruss s’est transformé en un empire du rêve unanimement salué et qui ne cesse d’émerveiller ses spectateurs. Disparue en 2006, Arlette, la grande dame de la piste aux étoiles, a transmis plus qu’une passion, un précepte de vie à son fils, Gilbert, actuel PDG de la PME. À l’occasion de ce quart de siècle de succès sur les routes de France, l’enfant de la balle nous fait partager sa vie dédiée au cirque. En piste !


Lorsqu’en 1986, votre mère, Arlette, a effectué sa première tournée, le monde du cirque était alors en crise. C’était un gros risque !

Les gens ne se déplaçaient plus au cirque. Beaucoup d’établissements ne pensaient qu’à faire du fric sans se soucier des numéros présentés au public. Ma mère, passionnée comme elle l’était, a voulu redorer le blason du cirque, sa raison de vivre. Malgré les avertissements de son père, Alexis, qui lui avait vivement déconseillé de se lancer dans une telle aventure, ma maman a créé son propre cirque. Au début, cela a été difficile, même très difficile. Imaginez une recette de 480 francs pour faire vivre tout le monde et vous comprendrez que le succès n’a pas toujours été au rendez-vous. Pourtant à force de travail, les gens sont peu à peu revenus. Dès le début, elle a engagé un orchestre, a proposé de vrais jeux de lumière et des numéros originaux, non présentés en France depuis au moins cinq ans. Elle a réussi son pari !

Aujourd’hui, alors que le cirque Arlette Gruss fête ses 25 ans, quel bilan tirez-vous de cette aventure ?

Je n’en tire bien sûr que du positif ! Lorsque l’on voit les gens accourir chaque année de plus en plus nombreux dans les villes où l’on passe, c’est un plaisir énorme, une vraie satisfaction de perpétuer le projet de ma maman. Son nom est devenu une véritable institution, un gage de qualité sur lequel on se doit de veiller. Pour certaines personnes, le passage de notre cirque dans leur ville est devenu la sortie annuelle qu’ils ne rateraient sous aucun prétexte. Le public ne vient plus au cirque, il vient chez Arlette ! Depuis ma plus tendre enfance, j’ai baigné dans cet univers de la piste aux étoiles. On vit, on dort, on mange cirque toute la journée et seul l’amour, la passion que l’on voue à notre métier nous font tenir au quotidien et dans les moments difficiles.

Votre maman a dédié sa vie au cirque, je suppose qu’outre la peine personnelle, sa disparition en 2006 a laissé un grand vide !

Ma maman était une femme forte au caractère bien trempé et qui ne laissait personne insensible. Elle veillait sur les membres de la troupe comme une mère et lorsqu’elle est décédée, cela a été un drame pour le monde du cirque en général. Des messages de soutien nous sont parvenus du monde entier et même de certains chefs d’Etat. Arlette était prête à tout pour son cirque. Je me souviens qu’une fois, nous étions bloqués dans une ville à cause de la vache folle. Les animaux ne pouvaient plus circuler ! Le dimanche matin, ma mère est partie seule sans rien dire et elle est revenue quelques heures plus tard avec un accord du préfet pour circuler librement. Elle était comme ça Arlette, elle ne se laissait jamais démonter par les événements ! Aujourd’hui, en tant que directeur du cirque, je me fais un devoir de mettre à exécution les règles de vie qu’elle m’a transmises car, même disparue, ma maman est encore là avec nous !

« Lorsque je regarde la société aujourd’hui, cela ne me fait pas plaisir et j’évite au maximum d’y être confronté. »

Justement, sur votre site, vous citez les principes de vie de votre maman. Pensez-vous que « Humanité, bonté, tu dispenseras » ou « échelles de valeurs, tu transmettras », sont des valeurs qui ont disparu de notre société ?

Hélas oui ! Personnellement, je transmets ces valeurs à mes enfants et je suis conscient que le cirque est un monde à part, un univers où les gens vivent en harmonie. Lorsque je regarde la société aujourd’hui, cela ne me fait pas plaisir et j’évite au maximum d’y être confronté. Nous vivons dans une sorte d’autarcie, un monde du rêve en marge de la société.

Pensez-vous que le cirque soit pour les spectateurs une bulle de bonheur dans une société en pleine crise ?

Sans aucun doute ! Nous sommes toujours présents avant et après le spectacle afin de converser avec le public et c’est le sentiment qui ressort de nos discussions. Les gens nous remercient pour ce moment de bonheur, de rêve, de joie qu’on leur offre. Le cirque est pour eux un nuage qui leur permet de s’évader des tracas quotidiens.

Le cirque Arlette Gruss comprend aujourd’hui 11 nationalités pour 35 artistes, c’est une parfaite réussite de mixité de culture !

Oui, c’est aussi cela le cirque ! Des gens de nationalités différentes qui vivent ensemble et s’apportent mutuellement. C’est très enrichissant car tout le monde amène un peu de sa propre culture et on apprend les uns des autres. À la fin de l’année, lorsque le spectacle s’achève et que l’on se sépare, c’est un véritable déchirement pour tout le monde !

Comment vivez-vous le « procès » fait aux gens du voyage vous qui passez votre année sur les routes ?

Il n’est jamais bon de faire un amalgame en partant d’un problème précis. Il y a des bons et des méchants partout, dans tous les milieux et ce n’est pas normal de mettre tout le monde dans le même bateau. Être radical n’a jamais rien résolu !

Pouvez-vous nous parler du projet pharaonique de ce nouveau chapiteau baptisé « Cathédrale » et qui accueille désormais le cirque Arlette Gruss !

C’était un très gros projet et il nous a fallu deux ans et demi pour le finaliser. Le chapiteau fait 22 mètres de haut pour 2 700 m2 au sol. Le tout représente 80 tonnes de ferraille que l’on arrive pourtant à changer de ville en un jour et demi ! J’ai pensé ce projet afin de rendre hommage à ma maman. Après sa disparition, beaucoup de villes dans lesquelles nous passions ont baptisé un jardin d’enfant, un rond point… du nom d’Arlette Gruss. J’ai trouvé cela merveilleux et j’ai souhaité moi aussi y apporter ma contribution dans un projet grandiose, à son image ! Comme ma maman était très Chrétienne, j’ai voulu réaliser un chapiteau en forme de cathédrale. On organise d’ailleurs des messes sous le chapiteau pour Noël ou Pâques. Elles sont célébrées par l’archevêque de l’évêché dans lequel nous nous trouvons et les personnes de la région peuvent bien sûr y assister.

Malgré votre titre de directeur de cette PME qu’est devenu le cirque Arlette Gruss, vous foulez toujours la piste. Vous avez encore besoin de ce contact avec le public ?

Cette année, hélas, je ne fais pas partie du spectacle car le projet a été vraiment long et délicat à mettre en place pour fêter les 25 ans. J’ai d’ailleurs commencé à grossir comme un cochon, à me laisser aller ! Être sur la piste impose une rigueur de vie que j’ai hâte de retrouver dès l’année prochaine. Et puis, la plus grande récompense d’un artiste, c’est quand même les applaudissements du public ! Ce qui me manque beaucoup aussi, c’est le contact sur la piste avec les animaux, mes chevaux ! Je préfère souvent être avec mes chevaux qu’avec les êtres humains, eux ne mentent pas ! Un cheval vous apprend la vie comme elle devrait être. Il n’y a pas de traîtrise, si vous lui êtes fidèle, que vous êtes droit avec lui, il ne vous fera pas de coups en douce. On ne peut hélas pas en dire autant de toutes les personnes !

Comment se déroule la vie au sein du cirque une fois les lumières du chapiteau éteintes ?

C’est ce qui est magique et propre à la vie du cirque. Comme les caravanes sont toutes les unes à côté des autres, le soir, tout le monde se retrouve. Il y en a un qui prépare un plat et qui fait goûter à un autre. L’autre fait partager son vin et ainsi de suite. Au final, on se retrouve bien vite tous ensemble à parler, festoyer, rire… Le cirque, c’est une fête quasi permanente ! La journée alors que les parents répètent les numéros, les enfants ont une école au sein même du cirque avec une institutrice dépêchée par l’éducation nationale. Ils suivent une scolarité normale et apprennent peu à peu le cirque avec leurs parents. Mais on n’impose rien concernant les activités liées au cirque ! Moi-même, au départ, je souhaitais être vétérinaire et puis, vous voyez, la piste aux étoiles a repris ses droits !


Jean-Éric Ougier, pyrotechnicien

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