Art

Michel Audiard, sculpteur d’imaginaire

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Quel est le lien entre Madonna, Nicolas Sarkozy, Bernard Werber et Vladimir Poutine ? Réponse : Ils possèdent tous un stylo signé Michel Audiard ! Le Tourangeau, faiseur de rêve, manie avec une aisance déconcertante, l’or, le diamant, la météorite ou encore la défense de mammouth. Les créations du sculpteur n’ont d’ailleurs de limites que celles de votre esprit et, bien sûr, de votre compte en banque puisque ses stylos peuvent atteindre les 250 000 euros. Mais quand on aime…


Lors d’une interview accordée à la Nouvelle République, tu disais « Je fais des objets de fou pour des rois et des objets de roi pour des fous ». Cela reflète-t-il la façon dont tu te perçois ?

Tout à fait ! C’est ce qui me plaît dans la sculpture. Plus les projets sont fous, plus ma motivation est grande. Je suis une sorte de chercheur qui, dans son laboratoire, tente de donner vie à l’imagination humaine. Une grande partie de mes projets naît ainsi de rencontres. On vient me voir du monde entier à l’atelier et on me dit : « j’ai pensé à un truc complètement dingue ! » Là, forcément, ça m’intéresse.

Et la dernière folie en date ?

Je travaille avec Pascal Nègre (PDG d’Universal Music France) sur un orchestre symphonique de 61 musiciens sculptés. Là, mon travail de sculpteur est de reproduire un orchestre au moment précis où les musiciens accordent leurs instruments. Capter cet instant de tension qui précède un concert. Il y aura un piano à queue dans un arbre et d’autres choses un peu folles dans le genre. Ce sera un délire visuel et auditif. Je me charge de la partie visuelle et Pascal, lui, s’occupera de l’orchestration à proprement parler, c’est son rayon ! J’ai commencé à sculpter, mais réaliser 61 musiciens à taille humaine n’est, tu t’en doutes, pas une mince affaire. Nous ne sommes pas encore fixés sur l’endroit où nous intégrerons cet orchestre de l’étrange, mais nous avons prévu d’inaugurer ça le 20 juin 2011, la veille de la fête de la musique.

Tu insistes sur le terme sculpteur et non artiste pour te qualifier. Pourquoi ?

Ma belle-sœur est une artiste ! Elle pond une aquarelle tous les trois mois et lorsqu’elle la présente à la famille, tout le monde se pâme… Jusqu’à la suivante ! Moi, je passe dix-sept heures par jour dans mon atelier à bosser. Alors, oui, je suis un sculpteur, un modeleur, mais pas un artiste ou un plasti“chiens”. Picasso ou Cocteau pensaient qu’au niveau de la création, il faut 5 % de don et 95 % de travail. Je partage leur point de vue.

Est-ce la passion de l’écriture qui t’a dirigé vers la sculpture de stylos, véritables œuvres d’art !

J’aime l’écriture bien sûr, mais en définitive, pour les stylos, les meubles ou encore les bijoux que je réalise, l’idée de départ était de créer des choses qui me plaisaient et que je ne pouvais pas m’offrir. Et puis, au fur et à mesure des créations, dans lesquelles j’ai intégré mes propres influences artistiques, je me suis peu à peu façonné un style personnel. Le stylo a été un merveilleux vecteur pour me faire connaître. Quand tu y réfléchis, à part ton acte de naissance et ton certificat de décès, tu signes toute ta vie.

Lorsque l’on réalise un stylo pour Nicolas Sarkozy ou Vladimir Poutine, pense t-on à l’importance que peut avoir cette sculpture au niveau de la politique internationale ?

Non, je n’ai pas cette prétention ! Mais, parfois, il arrive que je découvre mes stylos à la télévision dans de drôles de situations. Je me souviens surtout de cette fois où j’ai vu Boris Eltsine signer son passage de pouvoir à Vladimir Poutine avec un Audiard qui lui avait été offert. Savoir qu’un type se voit transmis la force nucléaire par le biais d’une de tes créations, ça ne laisse forcément pas indifférent.

« Quand tu y réfléchis, à part ton acte de naissance et ton certificat de décès, tu signes toute ta vie. »

Quelle est la commande de stylo la plus incroyable qui t’a été faite ?

Ce sont toujours ceux qui passent commandes qui ont les idées les plus folles ! Je me disais par exemple que l’ivoire serait très joli pour orner certains de mes stylos. Un client m’a dit un jour « Pourquoi n’utilises-tu pas des défenses de Mammouths ? L’espèce n’est pas protégée puisqu’elle a disparu ! » Effectivement, je n’y avais jamais pensé ! Un autre voulait quelque chose qui tourne autour de l’espace et il m’a apporté un bout de météorite afin que je l’incruste dans le stylo. On écrit forcément moins de conneries avec un truc venu du ciel ! Il y a aussi cette dame de 82 ans qui, amoureuse de mes stylos, m’en avait acheté 99. Forcément, j’ai voulu lui en offrir un 100e ! Elle a souhaité quelque chose d’érotique qui manquait visiblement à sa collection. J’ai réalisé un capuchon de stylo en forme de gland et un encrier représentant les testicules du Monsieur. Cela lui a beaucoup plu !

Quelles sont les étapes de création, de l’idée qui trotte dans ton esprit jusqu’à la sculpture finale ?

Je ne fais jamais aucun dessin préalable. Lorsque j’ai une idée, je pétris, je modèle. Souvent, je ne suis pas content du résultat et je jette. Heureusement, parfois le miracle se produit et je suis moi-même étonné par ce qui est en train de naître sous mes yeux. La certitude est un terme proscrit lorsque je sculpte. Ce sont mes mains plus que ma tête qui sont le fil conducteur de tout travail.

Stylos, meubles, bijoux, décoration intérieure, la sculpture n’a donc de limite que celle de ton esprit !

C’est justement cette « non limite » de l’art qui continue à me faire bander après plusieurs décennies de sculpture. L’année dernière, le gérant du Mac Donald’s de Tours m’a demandé de repenser toute la décoration du restaurant. Avec mon équipe (15 personnes qui accompagnent en permanence Michel Audiard), nous avons travaillé de l’inox et nous sommes partis sur le thème des citations. Lorsque les gens font la queue pour commander ou qu’ils déjeunent autant leur proposer un peu de lecture. Sur les quarante tables du Mac Do, on a incrusté un portrait (Winston Churchill, Coluche, Rimbaud, Prévert, Woody Allen, Victor Hugo, Pierre Desproges…) avec deux ou trois de leurs citations ainsi que la reproduction de leur signature. On s’est farci des tonnes de livres afin de trouver les citations les plus adéquates et les plus originales possible. J’aime personnellement beaucoup celle de Jacques Prévert qui se trouve juste à la sortie du restaurant : « Je vous salis ma rue » L’enseigne se situe près de la gare de Tours, dans un périmètre un peu chaud, et il est très rassurant de constater que notre travail n’a pas été détérioré. Tous les commentaires sont positifs et si un des mômes qui vient manger un hamburger sort du Mac Do en ayant envie d’en savoir plus sur les auteurs représentés dans ce lieu, notre boulot n’aura pas été vain !

Comment expliquer au profane cette technique de « coulée à la cire perdue » qui est l’une des marques de fabrique de la patte Audiard ?

C’est la plus vieille technique de sculpture au monde. On l’utilisait déjà en Mésopotamie ou dans la Chine du IIIe siècle. Au départ, on modèle de la cire et on l’intègre dans de la terre réfractaire. Ensuite, on cuit la terre. La cire est ainsi liquéfiée par chauffage et évacuée. Alors, on remplace la cire par du métal dans des formes encore chaudes. Après refroidissement, il suffit de casser la terre pour faire apparaître la sculpture en métal. Généralement, je ne fais que douze exemplaires de chacune de mes sculptures. Huit numérotés en chiffres arabes et quatre épreuves d’artiste.

Qu’en est-il du pharaonique projet de « la femme Loire » sur lequel tu travailles actuellement !

Pour l’instant, c’est une sculpture de quarante mètres de long et dix-sept de haut. Rien de très novateur jusque-là, puisque Niki de Saint Phalle l’avait fait bien avant moi avec Hon/Elle (une femme monumentale couchée sur le dos avec les jambes écartées que l’on peut admirer au Moderna Musset de Stockholm. Les visiteurs peuvent pénétrer la sculpture par son sexe. À l’intérieur se trouvent plusieurs pièces réalisées par l’artiste.) Le but est de faire de cette sculpture, un lieu d’échange artistique, de concerts et d’expositions. C’est un projet que j’ai en tête depuis vingt-cinq ans et qui me tient énormément à cœur. La structure est faite de carton ondulé de récupération et de plâtre. Cela offre une isolation thermique, phonique et une résistance mécanique sans égal. J’espère que ce lieu sera l’occasion de donner à des jeunes un espace de partage qui aidera à faire éclore de nouveaux talents.


Jean-Éric Ougier, pyrotechnicien

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