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Melody, l’infirmière tire la sonnette d’alarme

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Jeune maman et infirmière, Melody a dû reprendre le chemin de la clinique où elle travaille pour faire face à une crise à laquelle elle n’était pas préparée, celle du Covid. Forcément c’est emplie de doutes, de craintes aussi qu’elle a de nouveau revêtu sa blouse pour exercer un métier qui tient plus du sacerdoce que d’autre chose. Et si Melody contractait le virus ? Peut-on éviter une seconde vague épidémique post 11 mai ? Le gouvernement va-t-il tirer les leçons des problématiques au sein du système de santé mises en exergue par cette crise du Covid ? On tente de décrypter tout cela au son de Melody !


« Une réforme de l’hôpital avec une revalorisation des salaires, plus de personnel et une vraie reconnaissance pour nos professions me paraît essentiel ! »

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Vous êtes jeune maman et vous avez dû reprendre le travail il y a peu. Revenir après votre congé maternité dans de telles conditions de crise du Covid, c’est un peu particulier non ?!

Il y a tout d’abord le fait lié à la fin du congé maternité, de quitter son enfant en bas âge pour reprendre le travail. Sentiment partagé par des millions de femmes. Ce qui a été difficile dans cette reprise, c’est que je ne savais pas à quelle sauce j’allais être mangée concernant mes gardes. Forcément, avec cette crise du Covid, nos plannings ont été modifiés. Les enfants devant rester dans les foyers, il a fallu gérer disons toute la partie logistique ce qui n’a pas été une mince affaire. Tout cela ajoute forcément un certain stress.

Quand on a un bébé en bas âge, on ne craint pas de contracter le virus avec ce risque potentiel de le transmettre à ses proches ?

Tous les soignants qui sont parents ont des craintes car on sait qu’il existe de forts risques de contamination. Après, on sait que les enfants peuvent être des porteurs sains sans pour autant développer des symptômes de la maladie, ce qui nous permet de nous raccrocher à quelque chose de positif. Le principal dans cette gestion d’une crise unique est de garder la tête froide, ne pas se laisser envahir par la panique et l’atmosphère anxiogène ambiante. On tente de prendre un peu de recul, focalisé sur le travail qui est le nôtre, celui d’aider les patients. Mais bien évidemment, lorsque le soir on se pose chez soi, on a cette crainte de contaminer nos proches mais aussi pour notre propre santé, de mourir et les laisser seuls.

Vous travaillez dans une clinique privée de Montpellier. Votre établissement a-t-il été mis en sommeil pour libérer d’éventuelles places pour des patients Covid ?

Tout s’est passé assez rapidement. Nous avons eu une dizaine de jours pour tout mettre en place. L’ARS nous a obligés à respecter les précautions nécessaires dans le cadre du plan blanc, préparer des circuits propres et d’autres « spécial Covid » afin que les patients ne se croisent pas et ainsi éviter tout risque de contamination. Au niveau de notre clinique, on a mis en place des tentes de pré-triages, un service entier de réanimation pour les patients Covid avec du matériel que l’on n’utilisait pas forcément comme de petits respirateurs.

On parle aujourd’hui de plus en plus de cas de patients qui attendent avant d’aller consulter par peur du Covid et voient leurs pathologies s’aggraver. Vous constatez aussi ce phénomène ?

Il faut inciter les personnes à aller consulter. Ils doivent pouvoir avoir accès aux soins d’où l’importance d’une réflexion cohérente qui visait à ne pas engorger nos hôpitaux ou nos cliniques par les cas de Covid afin d’être dans la capacité d’accueillir celles et ceux touchés par d’autres pathologies tout aussi graves. Le personnel soignant avait ça en tête : « Il n’y a pas que le Covid ! »

Les soignants certainement, mais il est vrai qu’avec les messages anxiogènes véhiculés par les médias la population avait peur de sortir et donc attendait la dernière minute pour se rendre à l’hôpital ou chez son médecin traitant pour consulter !

Il est sûr que la peur générée par une surmédiatisation de cette épidémie a généré une telle crainte chez une partie de la population que, parfois, certains ont vu des pathologies bénignes se compliquer énormément, tout simplement parce qu’ils ne sont pas allés consulter assez tôt. Malheureusement, on ne peut pas forcer une personne à venir se faire soigner. Nous ne pouvons qu’engager le maximum d’outils nécessaires pour les inviter à consulter directement auprès de leur médecin ou bien encore par le biais de téléconsultations afin de juger si oui ou non leur état nécessite une prise en charge d’urgence. Il est vrai que les tentes, le fait de parquer les gens peut faire peur mais il faut comprendre que tout cela a justement été mis en place pour permettre aux patients atteints de pathologies autres que le Covid de pouvoir se rendre dans les hôpitaux avec le minimum de risques de contamination.

Pensez-vous que les dysfonctionnements que l’on a pu noter dans cette gestion de la crise du Covid sont le reflet des problèmes existant depuis des années au sein du système de santé où la rentabilité prime hélas souvent sur l’humain ?

Mon rôle n’est pas politique donc je ne peux que constater ce que je vois et ce que je vis dans mon travail. Mon avis, c’est qu’effectivement les dysfonctionnements constatés dans la gestion de cette crise ne font que pointer du doigt ce que le personnel de santé tente depuis bien longtemps de faire prendre conscience aux politiques. La faute que l’on fait, c’est de penser que l’économie nous protègera de tout. On a juste oublié que l’on était que des êtres humains, dépendants de notre environnement et faibles face à la nature qui, à un moment, va vouloir reprendre ses droits. La diminution des stocks de masques est le reflet de cette pensée-là. Se dire que l’on ne va pas prendre, pour des raisons purement économiques, des mesures de précautions face à une épidémie qu’on a vu arriver de loin et qui, forcément en annonce d’autres. À la décharge de notre gouvernement, on est aussi en droit de se poser la question « Est-ce que la Chine nous a menti ? » Si le pays n’a pas communiqué les bons chiffres quant au nombre de morts, on peut se dire que cela ne nous a pas permis d’anticiper la vague épidémique comme on aurait dû s’y préparer.

En même temps, comme vous l’évoquiez la pénurie de masques a tout d’abord été déguisée derrière le discours du « le masque n’est pas obligatoire » de Jérôme Salomon, Directeur général de la Santé qui, aujourd’hui, explique tout à fait le contraire. C’est comme il le dit « son discours qui a évolué » ou simplement que le représentant du gouvernement nous prend pour des idiots ?

Je pense que pour établir une relation de confiance, le meilleur moyen eut été de la part du gouvernement d’utiliser la congruence et d’assumer ses responsabilités. C’est ce qu’aurait dû faire le gouvernement. Il y a effectivement des incompréhensions quant à la gestion du stock de masques. On peut également se demander ce qu’il s’est passé entre les hôpitaux et les cliniques privées ! Nous avons entendu des interviews de patrons de clinique dans l’incompréhension la plus totale face à la mise en sommeil voir à l’arrêt de leurs cliniques qui, dans le cadre du plan blanc, étaient prête à recevoir des patients et finalement sont restées vides. Là, forcément, il y a de quoi se poser des questions ! Pour quelles raisons des patients Covid ont-ils été envoyés dans des pays de l’Union Européenne alors que certaines cliniques privées sont à l’arrêt ? Depuis le début de cette crise du Covid mes collègues et moi-même sommes en questionnement permanent pour comprendre ce qu’il se passe réellement. Pourquoi l’armée a-t-elle été envoyée dans le Nord de la France ? Pourquoi du personnel soignant est-il au chômage et des services de réanimation surchargés de patients Covid ? Des questions qui hélas restent sans réponse comme s’il régnait sur tout cela une sorte d’omerta.

Aujourd’hui, les infirmières sont, en France, parmi les moins bien payées de l’Union Européenne. Comment expliquer ce manque de considération salariale ?

Je ne prétendrai pas représenter toutes les infirmières mais pour moi cela provient de plusieurs raisons. L’image du fonctionnaire, dont une bonne partie des infirmières fait partie, est en France dégradée. Notre fonction même laisse penser que notre métier est une véritable vocation qui dépasse le cadre professionnel. Le cadre historique de notre profession est encore influent. Mais nous ne sommes plus à l’époque des sœurs et notre travail, malgré notre engagement, nous ne le faisons pas par charité chrétienne. On a choisi un travail mais pas de faire du bénévolat ! Aujourd’hui on ne va pas dire à un pilote de ligne : « On vous paie moins parce que vous avez toujours voulu exercer ce métier ! » Je pense aussi que nous faisons partie d’une profession très féminisée et, malheureusement, dans notre société, on a encore des décisions patriarcales et une disparité de rémunération entre hommes et femmes.

Le personnel soignant est salué tous les soirs par des applaudissements. Espérez-vous que cette reconnaissance soudaine sera suivie de la part du gouvernement de mesures concrètes afin que, dans quelques mois, on ne vous oublie pas ?

Il faut savoir apprécier les attitudes positives que l’on voit autour de nous, cette reconnaissance de la part de la population qui salue notre travail. Après je ne crois hélas pas aux miracles et au fait que, subitement, après cette crise toutes les revendications qui sont les nôtres depuis des années vont être enfin entendues. Depuis la dramatique vague des attentats nous avons montré que nous répondions toujours présents. J’espère qu’il y aura une reconnaissance pour notre profession par rapport aux responsabilités qui sont les nôtres, soigner, accompagner les patients au quotidien, les rassurer, leur venir en aide… Quand on accompagne une personne vers la mort, que l’on est présent pour elle comme pour sa famille, Il faut comprendre que cela est quand même assez lourd à porter et il serait bien que le gouvernement s’en rende compte. Une réforme de l’hôpital avec une revalorisation des salaires, plus de personnel et une vraie reconnaissance pour nos professions me paraît essentiel !

On parle d’un déconfinement le 11 mai. On sait pourtant que seuls 6% de la population a contracté le virus sans pour autant être assurés d’être immunisés. Ne craignez-vous pas une deuxième vague épidémique ?

On craint une deuxième vague, c’est évident. Pendant ce confinement, on a demandé à la population de sortir le moins possible, de respecter les règles, c’est ce qui a été fait. Mais le 11 mai, le virus n’aura pas disparu alors nous sommes encore dans l’inconnu. Nous-mêmes, personnel soignant, on a été là, on est épuisé physiquement, nerveusement et on se dit : « comment va-t-on gérer une éventuelle nouvelle crise si l’épidémie revenait massivement ? » Il est temps de mettre la santé au cœur du débat même si l’économie doit en pâtir. Ce sera aux politiques de prendre leurs responsabilités et prendre soin de la population.


Carmen Souza, au nom du père
Nathanaël Gouin, l’âme de fond

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