Musique

Marylin Manson, antechrist superstar

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EntretienRencontrer « l’antéchrist » Marilyn Manson relève du chemin de croix. Entouré d’un service d’ordre peu enclin à la gaudriole et d’un garde du corps taille XXL, l’homme aux mille visages reste reclus dans sa chambre d’hôtel à l’abri d’une pléthore de « people » et de fans transis. L’artiste était de passage dans un palace parisien pour présenter à une poignée de privilégiés quelques-unes de ses toiles, autre facette du mystérieux personnage. Si ses aquarelles sont la marque d’un talent incontesté et d’une capacité à louvoyer dans le milieu artistique avec l’aisance d’un caméléon, on peut se demander où se cache la véritable personnalité de Brian Warner, alias Marilyn Manson. Bribes de réponse en compagnie de l’intéressé !


« Mon aspect physique et vestimentaire est inévitablement un moyen de me protéger du monde extérieur»

Vous avez tenu à venir à Paris pour présenter Marilyn Manson l’artiste peintre. Pouvez-vous nous éclairer sur cette facette de votre personnage que peu de gens connaissent.

La peinture fait partie intégrante de ma vie depuis de nombreuses années, mais je n’ai commencé à m’y consacrer sérieusement que depuis 1998. Je me suis rendu compte qu’il y avait beaucoup de sentiments enfouis au fond de moi qu’il m’était impossible d’exprimer par le biais de mes textes. Au départ, mes toiles étaient avant tout un exutoire qui distrayait mes amis, puis des gens s’y sont intéressés, à ma grande surprise. J’ai tenu à présenter mes tableaux à Paris car de nombreux artistes français sont la base de mon inspiration.

Quels artistes ont influencé votre approche artistique ?

Les surréalistes et les expressionnistes m’ont fortement marqué. Sinon, je suis un véritable inconditionnel d’Antonin Artaud et de Jean Cocteau. Je pense d’ailleurs venir m’installer pendant quelque temps à Paris dans un loft afin d’avoir, pour ma musique et mes toiles, une autre source d’inspiration, différente de l’univers oppressant des Etats-Unis.

Serge Gainsbourg a dit un jour que la musique était un art mineur contrairement à la peinture. Vous officiez dans les deux registres, quel est votre avis sur la question ?

Selon moi, il n’y a pas de nivellement dans l’art. On pense à tort que les musiciens ne sont que des « entertainer ». Il n’est pas nécessaire d’être reclus dans une chambre sombre, le pinceau entre les doigts pour être un artiste. Bien évidemment l’émotion que je ressens face à une toile n’est pas la même que celle que me procure l’enregistrement d’une chanson, mais je ne porte aucun jugement de valeur.

Entretien

Lorsque vous étiez adolescent, vous avez crée à l’école un magazine satirique du nom de « Stupid » qui vous a attiré les foudres des professeurs. Cela a-t-il été votre première approche du dessin ?

Ce n’était pas la première fois que je dessinais mais, en revanche, c’était la première fois que j’avais un public et que je laissais vagabonder mon imagination pour faire rire autrui. Dans ce sens, j’ai acquis une confiance précieuse en mon travail.

Considérez-vous la constante transformation de votre image de Brian Warner à Marilyn Manson comme une forme d’art dont votre corps serait la toile ?

Effectivement, il y a du vrai là-dedans. J’aime cette modification quasi constante de mon apparence qui varie en fonction de mes humeurs. C’est une transcription assez juste de mon état d’esprit à un moment donné. Le rock avait connu cela avant moi et nous n’avons repris que ce que le théâtre avait créé bien avant la musique.

Plus que votre style pictural en général, j’aimerais que vous nous parliez de la toile « Did I introduce you to my other personality ? » qui est assez révélatrice de votre peinture.

J’ai réalisé cette toile lorsque j’étais avec mon ancienne compagne. J’étais séduit par l’image que j’avais d’elle. Au fil du temps, je me suis rendu compte que l’idée que j’avais d’elle était totalement tronquée, par l’amour sans doute. Les gens sont loin d’être comme on les perçoit au premier abord et ils ne livrent qu’une partie de leur personnalité. Ceci est inhérent à nous tous et cette toile retranscrit, je pense, le côté quelque peu schizophrène qui nous habite.

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Beaucoup de gens vous considèrent comme un provocateur extrême. Où se situe selon vous la frontière entre l’art et le mauvais goût ?

Tout cela n’est qu’une question de point de vue. Que l’on considère la musique ou la peinture, une personne peut voir de l’art là où une autre ne constate que du mauvais goût. La frontière n’existe pas, tout comme la normalité. Tout ceci n’est qu’une question de sensibilité et d’approche culturelle liée bien souvent à la morale.

Charles Baudelaire parlait de paradis artificiels afin d’expliquer ses excès, nécessaires selon lui, à l’écriture. Vous n’avez jamais caché votre penchant pour les substances prohibées, font-elles partie de votre élan créatif ?

Non. Pour peindre, j’ai besoin de calme et de réflexion. Je me mets souvent devant mon chevalet en pleine nuit ou au petit matin. Les artifices prohibés ne servent qu’à me plonger dans un sommeil empli de rêves qui sont bien souvent une source d’inspiration majeure.

Vous avez réalisé des autoportraits. Ces peintures sont-elles plus proches de votre vraie personnalité que le Marilyn Manson grimé que l’on peut voir sur scène ?

Il est clair que sur la toile, je ne mens pas. Mon aspect physique et vestimentaire est inévitablement un moyen de me protéger du monde extérieur. Cela permet de préserver mon jardin secret. Un « déguisement » offre la possibilité de cacher les plaies et de ne livrer de soi que ce que l’on désire, pas plus !

Entretien

Vos peintures revêtent de prime abord un aspect très enfantin et presque léger. Pourtant, plus on les fixe et plus on est frappé par le côté oppressant qui s’en dégage. Aimez-vous cette dualité des choses qui est également l’apanage de votre personnage ?

C’est effectivement ma seconde nature de penser ou de montrer une chose et son contraire. Il n’y a pas de vie sans mort ou de beauté sans atrocité. Mes peintures en sont le reflet et permettent de faire fonctionner l’intellect, du moins je l’espère !


Jean-Éric Ougier, pyrotechnicien

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