Histoire

Jacques Portes, la guerre du Vietnam

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Entretien Après l’échec de la France pour reconquérir l’Indochine, les Etats-Unis, alors en plein processus de guerre froide, se lancent dans le conflit vietnamien afin d’éviter une unification du pays entre le Nord communiste et le Sud soutenue par la bannière étoilée. De 1959 à 1975, les Etats-Unis vont peu à peu s’enliser dans une guerre qui, stratégiquement, va constituer le premier revers d’une nation promue au rang de libérateur depuis la fin du second conflit mondial. Jacques Portes, professeur d’histoire de l’Amérique du Nord à l’université Paris VIII et auteur de nombreux ouvrages sur l’histoire américaine, nous éclaire sur les zones d’ombres d’un conflit qui a dévasté le Vietnam pendant près de vingt ans.


« Nixon aurait pu terminer la guerre dès 1970, mais en raison d’une conception erronée et de la difficulté des négociations, l’issue va prendre deux ans et demi de plus ! »

Pouvez-vous nous remémorer les événements qui, après l’échec de la France pour reconquérir l’Indochine et les accords de Genève, conduisirent à la guerre du Vietnam ?

La raison principale de cette intervention tient au fait que les États-Unis ont financé 80 % du budget nécessaire à l’armée française en Indochine. Ils étaient donc, dès le début, fortement impliqués dans ce conflit. Ensuite, les Américains ont refusé de ratifier les accords de Genève car ils pensaient qu’une coupure entre le Nord et le Sud du Vietnam laisserait une porte ouverte au communisme. Mais ces positions américaines ne conduisaient pas automatiquement à la guerre. Echaudé par la guerre de Corée, qu’il avait conclue en 1953, le président Eisenhower était contre l’envoi de troupes terrestres, mais pour une surveillance aérienne des progrès communistes, suivie de bombardements secrets.

Pour les États-Unis, la guerre du Vietnam s’inscrit-elle dans une logique de guerre froide ?

Au départ oui ! Depuis 1951 et surtout sous Kennedy et Johnson, de 1963 à 1967, l’Amérique souhaitait à tout prix éviter la théorie du domino, prévoyant de façon simpliste que si un pays devenait communiste, les autres limitrophes le deviendraient également : après le Vietnam, ce serait la Thaïlande, le Laos, puis le Cambodge et même les Philippines. Il fallait donc faire du Vietnam du sud une vitrine contre le communisme. Cette logique de guerre froide n’est plus vraie après 1967. À partir de cette période, les Soviétiques comme les chinois ont pris conscience que ce conflit ne les menaçait en aucun cas. Ils apportent certes une aide financière et matérielle à Hanoï, mais ce conflit n’est plus pour eux d’un intérêt majeur sur le plan géopolitique, sauf celui d’affaiblir les États-Unis. En 1967, les États-Unis sont pourtant dans une logique de guerre, incapable de faire machine arrière et, de surcroît, persuadés qu’ils peuvent remporter la guerre : il s’enlisent au Vietnam sous leur propre poids.

Quel impact a eu, aux États-Unis, cette guerre qui marque la première défaite militaire de l’histoire américaine ?

La guerre du Vietnam n’est pas une défaite militaire pour les États-Unis qui n’ont en effet pas connu de réel revers militaire, ils n’ont pas eu une bataille décisive comme celle de Dien Bien Phu. Par contre, c’est une défaite stratégique complète ! Le Vietnam est en effet devenu totalement communiste après le conflit. D’ailleurs, on note qu’au fil des années de conflit et, à mesure que le nombre de morts au sein des soldats croît, de nombreux jeunes se demandent l’utilité de partir sur le terrain et le pourquoi de cette guerre. Après les années 1968-1969 et l’offensive du Têt, l’armée va se sentir peu à peu devenir inutile puisque les perspectives tracées en amont du conflit ne sont tout simplement plus réalisables.

La guerre du Vietnam marque également la naissance d’un mouvement pacifiste en plein flower power. Comment réagissent le gouvernement et l’armée face à cette levée de bouclier dans laquelle prennent part de nombreux intellectuels et artistes ?

Le gouvernement a nié que ce mouvement pacifiste ait eu une importance quelconque alors que l’on sait que ce pacifisme s’est peu à peu propagé au sein de l’opinion pour, au fil des années, être quasiment majoritaire dans le pays. On doit d’ailleurs noter que des fils de ministres participaient à ces grandes manifestations anti guerre. Il est d’ailleurs drôle de constater qu’en mai 1970, après les morts de Kent State University, le président Nixon a demandé à une escorte de l’accompagner à quatre heures du matin près de celles et ceux qui manifestaient à Washington devant la statue de Lincoln. Même si cet événement n’a servi à rien, il est symptomatique du fait que le gouvernement avait compris l’importance de cet élan pacifiste. D’ailleurs le retrait des troupes mis en œuvre par Nixon après 1969 a pour but premier de désamorcer le mouvement social contre la guerre, mais en prolongeant la guerre avec l’invasion du Cambodge et les bombardements sur le Vietnam du Nord, il n’est pas parvenu à ses fins. Après la guerre, l’armée a accusé les médias d’être responsables de la défaite en dénonçant les abus des soldats américains et en soulignant l’impasse de la guerre, au lieu de parler des victoires sur le terrain, mais la presse ne faisait que rapporter les plaintes des soldats et répondait à l’angoisse grandissante de l’opinion sur les résultats de ce conflit.

Après la seconde guerre mondiale, la guerre du Vietnam marque-t-elle le début de l’implication des États-Unis sur le plan géopolitique mondial, implication qui perdure encore aujourd’hui ?

La guerre du Vietnam marque surtout un frein à cette implication géopolitique. Son échec total, son coût extraordinairement élevé, ses pertes en tous genres impose un retrait des États-Unis sur le plan mondial et remet ainsi en cause le consensus anti communiste de la guerre froide. Durant les dix ans qu’a duré la guerre du Vietnam, les États-Unis n’ont pu intervenir en Angola où les Cubains ont débarqué, ni rénové leurs armements. Il a donc fallu attendre les années quatre-vingt, avec le retour d’une menace soviétique en Afghanistan, pour que la reprise d’une politique d’armement soit effectuée par Carter puis, surtout par Reagan pour revoir les Etats-Unis occuper toute leur place sur l’échiquier géopolitique mondial.

Après Eisenhower, l’élection de Lyndon Johnson va-t-elle plonger les USA un peu plus dans une logique de guerre ?

Avant Lyndon Johnson c’est d’abord Kennedy qui va relancer la guerre ! Il envoie des forces spéciales et des hommes pour des opérations secrètes et établit un État-major pour diriger ces opérations depuis Saigon. Après l’assassinat de Kennedy à Dallas, 17 000 hommes se trouvent déjà au Vietnam. Lyndon Jonhson va suivre la voie de son prédécesseur, mais décide seul d’envoyer massivement des troupes à partir de 1965. Le président américain a, dès le départ, conscience qu’envoyer des troupes sur le terrain sera une catastrophe, mais il ne voulait surtout pas être accusé de faiblesse vis-à-vis de la menace communiste. De plus, il a également cédé face à la pression de l’armée et des principaux généraux, certains de gagner cette guerre en peu de temps et totalement opposés à l’idée de perdre le Vietnam du Sud.

L’offensive de Têt s’apparente-t-elle à un véritable tournant de la guerre ?

Oui et non. Premièrement, l’offensive du Têt ne change pas grand-chose vis-à-vis de l’opinion américaine qui était déjà contre la guerre. Au point de vue militaire, c’est là encore assez ambigu puisque, d’une certaine façon, les militaires ont limité la défaite évitant une révolte de la population comme le souhaitait les stratèges militaires du Nord et en reprenant en quelques semaines le terrain perdu. Par contre, cette offensive s’avère cruciale stratégiquement puisqu’elle fait comprendre aux États-Unis que la seule issue désormais est de négocier la paix. L’offensive montre donc l’échec des trois dernières années de conflit où l’on disait que le nord Vietnam serait incapable d’attaquer le sud.

Comment Richard Nixon, qui entre à la Maison Blanche en janvier 1969, va-t-il peu à peu sortir les États-Unis de la guerre ?

Il va procéder d’une façon habile car l’opinion ne supporte plus d’avoir des troupes là-bas. Nixon souhaitait dans un premier temps retirer les troupes américaines pour confier les combats aux troupes vietnamiennes. Il commet une erreur puisqu’en vieux combattant de la guerre froide, il pense que la clé du conflit se trouve à Moscou ou à Pékin. Le président se rend donc en Chine et en URSS pour tenter de trouver une solution au conflit, mais cela ne change rien. Nixon aurait pu terminer la guerre dès 1970, mais en raison d’une conception erronée et de la difficulté des négociations, l’issue va prendre deux ans et demi de plus !

Le massacre de My Lai mené par le lieutenant William Calley, plus tard gracié par le président Nixon, est-il le point central des exactions américaines durant cette guerre ?

Il y en a eu beaucoup d’autres, mais ce massacre s’est produit alors que l’opinion doutait déjà fortement de l’utilité de la guerre. De plus, le massacre de My Lai, qui a causé la mort de 500 personnes (uniquement des femmes, des enfants et des vieillards) a été dévoilé par l’armée et la presse. Ce drame devenu le symbole des exactions américaines durant le conflit n’a hélas été que la partie immergée de l’iceberg.

Le 2 juillet 1976, le Vietnam fut réunifié, de la frontière de Chine à la pointe de Camau pour créer la « République socialiste du Vietnam ». Quelle conséquence cela a-t-il eu sur la population du Sud ?

Des conséquences hélas considérables. Lorsqu’après la guerre le pays est réunifié, le gouvernement de Hanoï va tenter de purger le sud de ceux qui ont aidé les Américains. Camps de redressement, exécutions… Les conditions vont être terribles pour ceux qui ont soutenu le régime précédent. Les conditions de vie très difficiles imposées par le régime expliquent d’ailleurs le mouvement des boat people des années 1979-1980 de tous ces gens qui fuient le Vietnam. Ce n’est qu’à partir de 1987 que le régime s’est assoupli en choisissant un développement économique libre.

7,08 millions de tonnes de bombes lancées par les États-Unis, des millions de morts vietnamiens surtout civils et une guerre qui se chiffre à plus de 530 milliards de dollars. Dans quel état cette guerre laisse-t-elle les deux principaux protagonistes ?

Le Vietnam sort d’une guerre qui a commencé en 1946 contre les Français et qui a duré vingt ans. Le Vietnam a été mobilisé à fond pour réunifier la nation et est parvenu à son but pour devenir par la suite un pays émergent très peuplé et dynamique au niveau économique. Le pays a donc réussi l’objectif qu’il s’était fixé en formant un état vietnamien, mais au prix de pertes énormes. Les Américains, eux, ont eu conscience de perdre pour la première fois un conflit du moins sur le plan de la stratégie militaire. Sur le plan humain, alors que le conflit a fait des millions de morts du côté de la population vietnamienne, on ne dénombre « que » 58 000 tués du côté des soldats américains, ce qui équivaut au nombre de morts sur la route pendant la même période. La guerre n’a pas non plus modifié en profondeur l’économie américaine, qui a repris assez vite sa marche en avant, mais elle demeure un souvenir empli d’émotions pour la population, comme le prouve la ferveur permanente des Américains qui visitent le monument aux morts de Washington.

D’Apocalypse Now à Platoon ou Full Metal Jacket, de nombreux réalisateurs se sont attaqués à cette page de l’histoire. Que pensez de ces versions cinématographiques du conflit vu du côté Américains où des soldats envoyés au front sont pointés du doigt à leur retour au pays ?

Ce qui est frappant dans tous ces films, c’est qu’ils ne montrent jamais la guerre mais le problème des soldats sur place ou après leur retour au pays. La guerre du Vietnam, on ne le voit pas ! Ces films sont essentiellement centrés sur la culpabilité des soldats, une sorte de vision nombriliste de la guerre. Une rapide présentation des films les plus marquants montre clairement qu’ils n’ont jamais cherché à expliquer la guerre, ni à en démonter le mécanisme, cela n’aurait pas intéressé les spectateurs ; en revanche, ils ont voulu être en communion avec le public et ses angoisses. Comme ce dernier ne se préoccupe guère de politique internationale, comme il se soucie fort peu des malheurs endurés par le peuple vietnamien, les films sont centrés sur les G.I., pour comprendre leur itinéraire au Viêt-nam ou leur comportement une fois rentrés au pays. C’est pourquoi on ne trouve pas de film directement politique. Le plus grand nombre a été basé sur des romans ou des mémoires de combattants. Les souvenirs de Ron Kovic, Rumor of War, qui sont à l’origine de Né un Quatre Juillet ; dans Platoon, O. Stone a réuni autour d’un seul peloton tout ce qui pouvait arriver à un soldat, d’après les différents témoignages : vision des cadavres dans les body-bags — sacs où sont rangés les cadavres —, recherche des Viêt-cong dans des tunnels, artillerie américaine pilonnant ses propres hommes, racisme, drogue, attentat contre les officiers, manque de discipline, violence contre les civils. Cette accumulation de faits débouche sur un bon film d’action, dont le message n’est pas très clair, au-delà de l’absurdité de la guerre. Pour Apocalypse Now, F.F. Coppola s’est inspiré d’un roman de Joseph Konrad, Au cœur des ténèbres, situé dans le contexte très différent du Congo belge au début du XXe siècle, ce qui n’est pas la meilleure manière d’analyser un conflit aussi spécifique que celui du Viêt- nam.

De plus, une impression de combats continus ressort de ces films, alors que ceux-ci restaient l’exception, et l’action se déroule dans un pays imprécis peuplé uniquement de silhouettes sans consistance. Le Vietnam n’est le plus souvent qu’un décor permettant de comprendre — avec la jungle, les marais et la chaleur moite — comment la guerre a pu être dure pour les pauvres G.I., et comment, comme toutes les guerres, elle a pu également être cruelle pour une partie de la population civile ; en général, les victimes sont de jolies jeunes filles et plus rarement de vieux paysans en pyjama noir. En fait, à l’exception de quelques rares scènes, les Vietnamiens n’apparaissent guère dans ces films. Les ennemis sont rarement montrés, sinon quand ils s’agitent dans le lointain — comme dans les films de guerre classiques — ou alors, de façon caricaturale, dans le cas limite de la scène fameuse de la roulette russe des Portes de l’enfer. La vie de Saigon, où un grand nombre d’Américains ont passé un certain temps, n’apparaît que comme un décor sans profondeur. Good Morning Vietnam constitue une exception ; dans ce film, Robin Williams est certes un disc-jockey pittoresque, mais il rencontre des Vietnamiens en chair et en os, parcourt la ville, visite des maisons et des écoles ; sans doute l’intrigue est-elle naïve, mais au moins le pays et ses habitants prennent une certaine épaisseur.

En fait, dans la plupart des films, il s’agit d’insister sur les conflits et les rapports entre soldats. Ainsi, dans Platoon,Victimes de guerre et Full Metal Jacket — pour ne prendre que ces seuls exemples — l’intrigue se situe dans l’opposition entre le bon soldat et le méchant sous-officier, qui fait ressortir l’affrontement de personnalités tranchées. Le procédé n’est pas nouveau, il a souvent été employé dans beaucoup de films sur la Deuxième Guerre mondiale comme dans beaucoup de films policiers qui voient s’affronter le bon et le méchant flic. Cette approche ne permet pas de comprendre la spécificité du conflit vietnamien ; la guerre paraît absurde comme toutes les guerres et les chefs sont le plus souvent bornés, bien que se trouvent parmi eux quelques héros. La guerre ne sert alors qu’à révéler des tensions et des crises au sein de la société américaine du moment et rien d’autre. La dernière phrase du simple soldat Chris Taylor dans Platoon exprime très clairement ce point de vue : « Je comprends maintenant, en y repensant, que nous ne nous battions pas contre un ennemi au Viêt-nam, nous nous battions entre nous. L’ennemi était en nous. Je suis le fils né de ces deux pères qui se disputent encore mon âme. » Dans le fond, la guerre s’inscrit dans la réflexion sur les années 1960, qui symbolisent la disparition d’une certaine naïveté et apparaissent comme une menace implicite pour ceux qui y participent. Dans l’excellent Hair de Milos Forman, le Viêt-nam pèse sur le héros comme un danger terrible auquel il ne peut échapper. Un grand nombre de films s’occupent des Vétérans, Le retour ou Né un Quatre Juillet les considèrent avec sympathie et les présentent comme des victimes. D’autres films utilisent le cliché de l’ancien combattant devenu une menace pour la société, car il aurait perdu son équilibre mental durant la guerre ; c’est le cas dans Taxi Driver ou dans Le silence des agneaux, puisque la dernière scène montre que le terrible tueur en série est un ancien du Vietnam, dont il a ramené du matériel militaire et des papillons rares. Les symboles utilisés dans ces films manquent le plus souvent de subtilité et soulignent à gros trait ce que le réalisateur veut dire. Ainsi, le héros des Portes de l’enfer, joué par Robert De Niro, est incapable de tirer sur un cerf à son retour du Viêt-nam bien qu’il soit un chasseur passionné.

En fait, la plupart de ces films — avec leurs conflits entre soldats et les traces trop évidentes de leur séjour vietnamien — peuvent s’apparenter à des films-catastrophe. Durant un tremblement de terre, dans un avion en déroute comme dans les entrailles de La tour infernale, les personnes impliquées révèlent leurs forces et leurs faiblesses, des amitiés se nouent et des haines se font jour ; tous en ressortent profondément marquées par une expérience traumatisante. Le traitement qui est fait du Viêt-nam dans beaucoup de films fournit un décor exotique dans lequel les personnalités s’affirment, pour le meilleur comme pour le pire. L’intérêt n’est plus la guerre ou la réalité du pays mais la psychologie souvent sommaire des personnages. La guerre devient une sorte de catastrophe naturelle qui ne s’explique, ni ne se comprend : sa réalité menaçante surplombe la société. Beaucoup de ces films présentent mieux la vie aux États-Unis, avant ou après le passage du héros par le Viêt-nam, que la réalité de la guerre qui n’intéresse guère le public. Pour reprendre l’exemple des Portes de l’enfer, la vie du groupe d’amis — mineurs d’origine slave — est montrée avec beaucoup plus de force et de persuasion que les épisodes de combat. Ce trait est accentué dans les années 1970 car cette première série de films n’aborde pas encore le problème des atrocités commises par des soldats américains. Dans Né un Quatre Juillet, les passages les plus impressionnants et les mieux réussis sont ceux du début et de la deuxième partie ; dans les premiers, le consensus anticommuniste et le conformisme d’une petite bourgade américaine des années 1950 sont remarquablement montrés, dans les autres, il s’agit de l’état lamentable des hôpitaux de l’administration où sont soignés les blessés graves du Viêt-nam ; comparativement, la guerre est traitée de façon superficielle comme quelque chose de naturellement dur et violent, sans qu’il soit nécessaire d’approfondir.

Ces diverses tendances, et on pourrait multiplier les exemples, montrent comment ces films traitent de la guerre ; ils ne cherchent jamais à l’expliquer, ni à montrer la façon dont le temps passe au Viêt-nam — très différemment pour le G.I. et pour le Vietnamien ; ils ne se préoccupent guère de l’enchaînement politique qui y a conduit. Aussi, sans que ce soit paradoxal, ces nombreux films n’ont rien fait pour rapprocher le public de la réalité de la guerre ; les clichés y sont plus forts que les rares tentatives d’explication et les bouleversements de la société vietnamienne ne sont jamais évoqués. En admettant que les films puissent avoir une véritable influence, ceux-là peuvent conduire à une sorte de pacifisme sans consistance : toutes les guerres sont atroces, toutes les hiérarchies militaires sont absurdes, quand ils ne débouchent pas sur des fantasmes de revanche brutale et sans pitié comme dans la série des Rambo et dans quelques autres…


Paul Booth, encre macabre
Frédéric Sedel, neurologue

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